Chronique : Underoath - The Place After This One
Malgré un culte indéniable dans la scène emo et metalcore, Underoath n'a pas vraiment réussi à mettre tout le monde d'accord depuis son comeback avec Erase Me (lire notre chronique) en 2018. L'accueil fut assez froid, et même si l'album suivant, Voyeurist (lire notre chronique), est considéré par la majorité comme meilleur, il semble que pour beaucoup de fans le groupe avait perdu ce petit quelque chose qui avait autrefois fait son succès. Si ces deux disques avaient leurs qualités indéniables et des fans qui ont réussi à adhérer aux changements, les avis restaient mitigés sur ce que ce nouvel album allait être : The Place After this One, un nom au message clair, et qui pourrait peut-être changer la donne.
Tout emo kid dans l'âme savait au fil des années qu'un nouvel album
d'Underoath allait être un véritable événement. La bande floridienne avait
atteint un sommet culte, et sans exagération, on dirait même légendaire. Il
faut dire que leur discographie était un sans-faute impressionnant depuis 2004
avec l'arrivée de Spencer Chamberlain derrière le micro sur
They're Only Chasing Safety, et ce jusqu'en 2010 avant la séparation du
groupe. Quatre albums consécutifs qui auront mis tout le monde d'accord, qui
arrivaient à se réinventer sans jamais trop s'éloigner, avec une maîtrise de
l'agressivité et de la mélodie proche de la perfection ; et des choix de
production calibrés au centimètre près pour un résultat détonant et sans
précédent. La formule Underoath était un gage de qualité que personne
n'arrivait à suivre, du moins, pas aussi bien : des groupes qui ont voulu
faire du Underoath, on pourrait en trouver beaucoup, mais combien sont encore
là aujourd'hui ? Souvent imité, rarement égalé.
Mais la qualité à un prix, et derrière cette quête obsessionnelle de la
perfection se cachait un groupe épuisé, tendu et plein de rancœurs les uns
envers les autres, et une perte de la foi chrétienne pour la plupart des
membres, foi qui, pourtant, était autrefois au cÅ“ur du groupe, jusqu'Ã
l'obsession. De manière logique, bien qu'ironique, Erase Me et
Voyeurist, aussi polarisant soit-ils, sont les seuls albums où
Underoath se décrit comme heureux et épanoui, entièrement satisfait du
résultat. Est-il cependant possible pour Underoath de ramener tout le monde Ã
bord de nouveau sans négliger ses propres désirs d'expérimentation ?
Certains des singles sortis avant l'album avaient déjà annoncé la couleur :
"Generation No surrender" et "Survivor's Guilt", deux hymnes de
guerre bien énervés contre la religion, qui apportaient des sonorités modernes
assez surprenantes, tout en s'avérant plus violents et old school que tout ce
que le groupe avait offert depuis longtemps. Deux singles qui, au final,
résument parfaitement le disque entier : plutôt que de trouver un petit
équilibre entre leur son radio pop rock et EDM accessible et du metalcore
bourrin, Underoath a tout simplement décidé de pousser les deux mediums Ã
l'extrême et d'embrasser aussi bien l'un que l'autre pour une tracklist qui
balance coup après coup les morceaux les plus simultanément catchy et heavy du
groupe depuis son retour. Foncièrement, nous ne sommes pas si loin de ce que
nous avons eu sur Voyeurist, The Place After This One en serait
même une continuité, mais bien plus consistant et audacieux.
L'écoute est fluide et dynamique, avec des titres comme "Shame", qui
maîtrise bien l'exercice couplets hurlé par Spencer avant qu'Aaron Gillespie
ne vienne chanter certains des refrains les plus catchy et pop qu'Underoath
ait composé de sa carrière, il y a indéniablement une envie de pousser le
meilleur de ce que le groupe sait faire tout en continuant son évolution. Un
autre excellent exemple serait "Loss" qui sonne comme un titre violent
de Disambiguation s'il avait reçu le traitement pop de
Erase Me. Le groupe arrive enfin à jouer habilement avec les
anciennes et nouvelles influences.
Puisque nous parlons d'Aaron, autant souligner qu'il brille. S'il avait été
relativement moins utilisé depuis le comeback, chaque participation vocale du
batteur ajoute ici une performance qui ne passe jamais comme superflue et qui,
au contraire, transforme les morceaux. Que ce soit dans le refrain épique de
"All The Love Is Gone" ou l'intense pont de "Vultures", que ce
soit pour des refrains entêtants ou pour ajouter de l'intensité dans
l'émotion, il est vocalement impeccable en tout point. C'est aussi avec
plaisir que l'on peut l'entendre partager les couplets avec Spencer comme sur
"Spinning in Places" et le magnifique "Cannibal" dont le final donne
vraiment des frissons. En plus d'être deux gros singles potentiels, ils nous
rappellent aussi pourquoi avoir deux vocalistes au sein d'Underoath fonctionne
toujours aussi bien. Spencer s'en tire d'ailleurs tout aussi bien de son côté,
cette fois plus discret sur le chant clair qui n'était pas toujours une
réussite sur les singles d'Erase Me, mais qu'il maîtrisait déjà mieux
depuis Voyeurist. Niveau screams, vous serez très largement servis, le
frontman n'ayant rien perdu de ses capacités vocales au fil des années. Une
simple écoute de "And Then There Was Nothing", nerveux et agressif
au possible, le confirmera.
Malgré un "Teeth" très injustement boudé par les fans avec son approche
EDM et pop culminant sur un gros breakdown plutôt réussi (mais visiblement pas
pour tout le monde), et un "Devil" un peu edgy et franchement oubliable
comparé au reste de l'album, assez peu de nouveaux titres devraient
provoquer un bad buzz. Avec une production propre et spontanée du jeune Danen Reed Rector,
l'album est consistant et plein de surprises. Cette collaboration aura
d'ailleurs grandement contribué au disque, Rector étant non seulement plus
jeune que les membres du groupe, mais a grandi en étant fan de leur musique,
ce que les membres ont décrit comme une agréable expérience en studio pour
trouver cet équilibre du "nouveau" et "ancien" Underoath. C'est probablement
l'élément qui fera vraiment sortir The Place After this One du lot dans
leur discographie : il y a des moments de nostalgie indéniable qui ne pourront
que ravir les fans de la première heure, mais il reste impossible de
réellement comparer cet album à un They're Only Chasing Safety ou même un
Lost In The Sound Of Separation tant il regorge de nouveautés et
d'ambiances vraiment inédites pour le quintette.
Quand énormément de groupes auraient pu jouer la carte de la nostalgie,
Underoath a décidé de ne pas céder à livrer un
Define The Great Line Part II, mais a, au contraire, continué de
faire ce qu'il voulait, expérimentant toujours autant avec du pop rock
accessible et des influences électroniques, mais avec l'envie de ne pas
renier ses racines metalcore, qui reviennent ici en force. Comme un
compromis qui n'en est pas vraiment un, mais qui devrait au moins faire un
minimum plaisir aux fans qui n'avaient pas été satisfaits jusqu'à présent.
The Place After This One est un album metalcore et pop frais et
original, et si il y aura toujours des fans récalcitrants pour chaque
disque, Underoath accepte ici son passé avec bienveillance tout en
continuant à accueillir le futur à bras ouverts. Une attitude qui a le
mérite d'être honorable et prouve que les légendes emo peuvent encore
surprendre après plus de 20 ans d'existence.
Note du rédacteur : 4/5
Eddy F
Les + :
- Un metalcore beaucoup plus prononcé
- Les influences pop et électro trouvent leur place plus naturellement que sur
Erase Me
- Aaron Gillespie au sommet
- Très bon contraste avec le son Underoath d'avant et de l'expérimentation
beaucoup plus moderne de Voyeurist
Les - :
- Manque un peu de variété niveau lyrics, beaucoup de "être chrétien c'est nul finalement", même si le contraste extrême avec les anciennes lyrics rend la chose
intéressante
2. Devil
3. Loss
4. Survivor's Guilt
5. All The Love Is Gone
6. And Then There Was Nothing
7. Teeth
8. Shame
9. Spinning in Place
10. Vultures (feat. Troy Sanders of Mastodon)
11. Cannibal
12. Outsider
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