Chronique : blink-182 - ONE MORE TIME...
Le morceau a dans l'ensemble satisfait les attentes, malgré le sentiment
d'un "peut mieux faire" quand même très présent, tout simplement parce que
les titres les plus sombres, au sein de l'album Untitled ou du
side-project Box Car Racer, ont largement contribué à élever le songwriting
et améliorer l'image du groupe (qui bénéficie désormais - la nostalgie
aidant - d'un respect qu'il n'avait pas à l'époque).
Pour autant, on pouvait craindre l'inverse également, que la bande
s'engouffre dans des titres expérimentaux ou chacun voulait tirer les
morceaux dans une direction différente, comme c'est peut-être le cas sur
Neighborhood. Mais les choses se sont faites différemment cette fois,
puisque les 3 membres ont composé ensemble dans le même studio, et
visiblement, ça change tout.
Le second extrait dévoilé, "ONE MORE TIME", est une véritable catharsis pour le trio qui explore encore plus loin
ses drames internes, ses non-dits et ses reproches mutuels, et les exprime
avec une sincérité qui change des déclarations très langue de bois qu'ils
ont pu faire dans la presse, dès qu'il fallait s'exprimer sur le
sujet.
Un titre au ton nettement plus sérieux que le précédent single, qui
permet de rassurer les fans qui attendaient de voir un groupe plus mature.
Pour autant, musicalement on fait dans la simplicité, avec juste une
guitare acoustique et un piano, qui peut faire penser à des ballades très
tristes comme "What Went Wrong" (ou encore "Remember To Forget Me"
sur Nine, que je trouve vraiment très bien). Le chant est poignant et les
mélodies (guitare comme chant) rappellent ce que le groupe sait faire de
mieux dans le genre. Le "I miss you" fait également écho au single le plus connu du grand public.
Mark Hoppus (chant/basse) revient sur les évènements tragiques qui ont conduit par deux fois au retour de Tom vers ses 2 ex-camarades : l'accident d'avion de Travis en 2008 et le cancer de Mark en 2021 : "I wish they told us, it shouldn't take a sickness, Or airplanes falling out the sky." Travis vient même pousser distinctement la chansonnette aux côtés de ses frères de groupe pour un final émouvant.
C'était le moment pour Tom de revenir à ses racines punk rock,
grandement motivé, on l'imagine, par ses 2 comparses.
Et du punk rock, il va y en avoir, et pas qu'un peu, c'est clair ! A
commencer par le magnifique titre d'ouverture, "ANTHEM PART 3", qui
fait directement penser à "Anthem Part 2" avec sa batterie saccadée et
percutante, et un Tom qui s'époumone pour donner tout ce qu'il a de punk et
de grunge en lui, d'ailleurs sa voix éraillée me donne l'impression d'avoir
affaire au penchant Tom de "Dammit". Mark viendra le rejoindre à partir du
pont avant une magnifique outro qui donne l'impression d'être de retour sur
Take Off Your Pants And Jacket.
Prenez tous les meilleurs morceaux de l'album Untitled et vous
êtes sûrs d'en retrouver l'essence ici, avec par exemple la tuerie "MORE THAN YOU KNOW", le 1er sur lequel Travis utilise la double pédale parce que "la chanson le demandait". Les interventions de Tom sont incisives et rappellent des titres comme
"Feeling This", "Stockholm Syndrome" ou "Easy Target". L'intro au piano
rappelle également les éléments nouveaux que le groupe commençait Ã
introduire sur Untitled. Le songwriting de Mark est de haut niveau, avec des lignes comme "You poison yourself with the thought I won't love you to death", tandis que Tom fait dans l'emo avec "I don't feel pain, but I feel more than you'd ever know I don't feel shame,
I don't have highs, but I've got some lows."
Il y a aussi le tube "DANCE WITH ME", avec un riff de guitare dingue, et dont les couplets sont simplement… on ne pouvait pas rêver
quelque chose de mieux ou plus efficace de la part de Tom dans le style punk rock ! C'est juste parfait. J'avais
un peu plus de mal avec le refrain en "Olé olé olé" mais vu le nombre de
fois où je me suis surpris à le chanter depuis, je suppose qu'il vise
juste également.
"WHEN WE WERE YOUNG" (avec une intro à la "What's My Age Again?") sonne comme un titre blink classique
période TOYPAJ probablement, tandis que Mark, quand même en
retrait sur le disque (bien souvent il intervient sur le pont, ou chante
les couplets, mais a peu de refrains à lui), nous offre 2 titres bien
punk rock avec "BAD NEWS" et "OTHER SIDE". La direction générale est vraiment punk et il n'y a pas du tout de morceaux pop comme sur le
dernier album en date, NINE.
Et ce ne sont pas les courts interludes (géniaux) qui diront le contraire,
comme "TURN THIS OFF!" et son côté "Happy Holidays, You Bastard",
ou l'ultra-punk "FUCK FACE", écrite à la base par Travis (et Tim Armstrong) pour un projet hardcore - sur laquelle il chante d'ailleurs avec Tom - et qui fait
penser dans la forme à "My First Punk Song" de Box Car Racer. Courts interludes qui sont
donc l'occasion de proposer quelque chose de différent et plus risqué, comme
"HURT (INTERLUDE)" qui semble sorti tout droit de l'album
We Don't Need To Whisper d'Angels & Airwaves, et permet d'imaginer
ce qu'aurait donné le groupe avec Travis à la batterie : ça cogne lourdement !
La voix de Tom y est un peu trop déformée à mon goût, néanmoins le texte est
émouvant : "Have you hurt like this before?, When your heart's already torn, When your
tears are on my mind, We fall apart there every time."
On le sait, la musique de blink, ce n'est pas juste du pop punk. Le son du
trio s'est vraiment affiné quand les textes sont devenus plus matures et que
Tom a apporté son influence post-hardcore, c'est à dire à partir de
TOYPAJ. Une formule sublimée sur Untitled avec des morceaux
comme "Down" notamment. Outre la batterie, qui cogne ici comme jamais, on
retrouve ces guitares puissantes dans le refrain de la mélancolique "YOU DON'T KNOW WHAT YOU GOT", dont le rythme d'intro fait penser à "Adam's Song", et dans laquelle Mark
parle de sa bataille contre le cancer en 2021. Dommage que le refrain, qui
répète en boucle le titre, soit un peu faiblard au niveau du chant. Il y a
aussi "TERRIFIED", ce titre tout droit venu de Box Car Racer et
retravaillé pour l'occasion, qui nous replonge direct en 2001. Les
couplets emo font penser à "Watch The World", tandis que le refrain scandé
ressemble à celui de "Tiny Voices". Mais arrivé au pont instrumental, le
morceau a aussi un côté moderne absent à l'époque.
On oublie pas non plus l'influence new-wave, qui ressort sur le très bon "FELL IN LOVE", qui réinterprète carrément le thème de "Close To Me" des Cure (influence
de longue date commune à Mark et Tom), co-écrit avec avec Ryan Tedder de
OneRepublic, et se paye au passage le luxe de proposer un pop punk vraiment juvénile, le
second couplet faisant penser à du One Direction ! Le trio remet le couvert
sur "BLINK WAVE", qui sonne à la fois post-punk, synthwave des années
80 et même Angels & Airwaves sur le refrain. Très différent et le meilleur
c'est que ça se fond à merveille dans l'album.
Mais le plus beau mélange, la meilleure assimilation de tous ces styles,
s'incarne probablement en "TURPENTINE." Un bijou, avec la
mélancolie et les guitares lourdes de BCR, l'efficacité du Untitled dans le refrain (on adore quand Tom "crie" un peu ses phrases de manière
incisive), et le passage de Mark qui fait penser à +44. Outre la mauvaise
prononciation de turpentine en turpen-teen (volontaire ? - peut-être aussi un
clin d'œil au "yead" de "I Miss You"), le morceau se veut à la fois dépressif
et immature dans ses paroles.
Une autre de ces belles réussites est le final "CHILDHOOD", un titre
émouvant - avec une ambiance onirique unique - qui s'inquiète de l'état du
monde ("What’s going on with me? Everybody seems, So lost, I wanna leave, 2023, who
the fuck are we?"), et qui propose une belle progression jusqu'Ã un magnifique refrain
très rock qui ne sonne pourtant pas du tout comme du blink. Et comment ne pas
citer la phrase "I never thought we'd end up here. We're back in time to the best years", qui peut résumer à elle seule notre avis sur le disque. Le morceau se
finira par un son 8-bits, qui, comme le titre l'indiquait, nous renvoi en
enfance.
Deux titres qui peuvent aiguiller la future direction de blink et que l'on
embrasserait les yeux fermés.
Un mot sur les 2 chansons bonus ajoutées à la dernière minute sur les versions
digitales : "CUT ME OFF" (avec son refrain parfait) et "SEE YOU"
(qui avec ses paroles tristes peut faire penser à un "Not Now"), 2 titres pop
punk, honnêtement tous deux géniaux et qui auraient pu figurer sur n'importe
quel album entre TOYPAJ et le Greatest Hits. Ça fait
plaisir de voir un groupe aussi raccord, qui réussit à faire revivre le "vrai"
(du moins celui de la meilleure période) son de blink, ce qui était difficile
sur Neighborhoods et l'EP Dogs Eating Dogs. Et ce même sur ces
deux "simples" Faces B.
Quel fan ne serait pas contenté par ce ONE MORE TIME…, qui offre TOUT ce qu'on pouvait espérer de blink-182, et plus encore. Un
gros (dans tous les sens du terme) disque de punk rock qui propose déjÃ
parmi les meilleurs morceaux du groupe dans le genre, tout en oubliant pas
d'utiliser tout le savoir-faire des membres avec leurs influences
respectives, mais dans un ensemble cohérent mis au service des chansons - qui n'oublie jamais sa ligne directrice (punk) - et dans lequel on retrouve enfin l'alchimie du trio, comme s’il ne s'était jamais séparé. Le
tout chapeauté par la prod' brute et authentique de Travis. C'est le disque
du retour de Tom (que l'on sent impliqué à 200%, donnant le meilleur de
lui-même et chantant même avec hargne), le disque de la nostalgie, le second
disque de la maturité, celui qui aurait pu sortir juste avant ou juste après
le Untitled. Et peu importe qu'il soit meilleur ou pas (honnêtement, à l'heure
actuelle, je ne saurais le dire), avoir un tel ensemble de chansons en
2023 était inespéré après toutes les tempêtes traversées. 45 minutes
(maintenant 50) qui s'enchainent comme si le temps s'était arrêté. Une pépite.
Note du rédacteur : 5/5
Alucard
02. DANCE WITH ME
03. FELL IN LOVE
04. TERRIFIED
05. ONE MORE TIME
06. MORE THAN YOU KNOW
07. TURN THIS OFF!
08. WHEN WE WERE YOUNG
09. EDGING
10. YOU DON’T KNOW WHAT YOU’VE GOT
11. BLINK WAVE
12. BAD NEWS
13. HURT (INTERLUDE)
14. TURPENTINE
15. FUCK FACE
16. OTHER SIDE
17. CUT ME OFF
18. SEE YOU
19. CHILDHOOD
Peut être que je dois réécouter l'album mais étant un très grand fan du groupe, cet album me laisse mi-figue mi-raisin. Je trouve que les chansons sont un peu forcé (doit sonner comme telle ou telle chanson ou telle ou telle période). Des riffs pas très inspiré mais voulant seulement copier un ancien riff, des mélodies pas très naturellement spontanées (d'où le "forcé"), et aussi une production franchement dégeulasse (RIP Jerry Finn) avec ces voix modifiés à outrance et ces sonorités très aseptisé. Bref après l'avoir entendu, je regrette que Matt Skiba soit parti.
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