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Chronique : Bring Me The Horizon - Post Human: Survival Horror (EP)


Après des déclarations maladroites sur la scène rock suite à la sortie de l'album amoOliver Sykes, le frontman de Bring Me The Horizon, déclare, en larmes, sur la scène du All Point East Festival 2019 à la fin mai : "Il y a quelques mois, j'ai dit que le rock était un tas de merde. Ce festival m'a montré que j'avais tort. Putain je ne sais pas de quoi je parlais. Le rock est vivant." Le mois suivant, il réitère : "Cela m’a presque influencé pour être moi-même un peu plus que je ne l’étais, en réalisant que ce que Bring Me The Horizon fait est spécial et que nous ne devrions pas tout perdre, nous devrions toujours conserver ce qui nous rendait spéciaux au départ et ne pas toujours essayer d’avancer et d’être différent.


Une ambition de retour aux sources qui s'est traduite dès "Ludens", un titre créé et enregistré en une semaine par Oli et Jordan [Fish, claviériste] dans une chambre d'hôtel, avec l'urgence d'une deadline imposée par Hideo Kojima Productions, sous peine de ne pas voir leur morceau figurer sur la bande originale du jeu vidéo Death Stranding. Une occasion impossible à manquer, et la création d'un titre qui fait assez bien le pont entre le nouveau son electro du groupe et ses racines metal, la chanson évoluant vers quelque chose proche de ce qui se faisait sur l'album That's The Spirit (avec ce chant mélodique/écorché), avec un pont aux guitares neo qui se prolonge en pur metalcore. On appréciera le message éco-friendly qui a probablement amené le côté politique des morceaux suivants : "Some resist the future, some refuse the past, Either way, it's messed up if we can't unplug the fact, That a world covered in cables was never wired to last, So don't act so surprised when the program starts to crash."


"Parasite Eve", le second morceau dévoilé, en pleine pandémie (ce sera également le thème de la chanson), est l'une des plus grandes réussites du groupe, avec son intro de chÅ“urs bulgares et un refrain qui vous reste en tête des mois après ("When we forget the infection, Will we remember the lesson? If the suspens doesn't kill you, Something else will"). C'est le 1er exemple de "collage" qui va revenir souvent sur cet EP, avec des parties qui peuvent sembler disparates aux premières écoutes, mais dont on finit par accepter le côté saccadé. Le groupe s'est offert les services de Mick Gordon, le compositeur de la BO du jeu Doom Eternal, pour assurer une ambiance oppressante et martiale à souhait, telle qu'il l'avait appréciée durant ses parties gaming ! Les voix féminines sont quant à elles assurées par la femme d'Oli Sykes, Alyssa.  


Une énorme surprise arrive en lançant l'EP, puisque le titre "Dear Diary" fait un saut dans le temps de plus de 10 ans, et nous balance des riffs thrash metal avec un chant hurlé et un solo de guitare heavy as fuck. Le texte se veut fun et raconte la transformation en zombie d'un infecté : "God is a shithead and we're his rejects, Traumatized for breakfast, I can't start again, You won't survive the horror", égratignant au passage la religion une nouvelle fois. 

Mais si l'on doit décrire d'une façon plus globale le nouveau son de BMTH, du moins sur les morceaux plus classiques, on pense directement aux titres les plus mélodiques de Linkin Park sur l'album Hybrid Theory ("Runaway", "Pushing Me Away"), ce rock alternatif aux guitares gonflées à bloc et aux accents neo, un style qu'on a pu découvrir sur le morceau "Obey" ft. YUNGBLUD, parsemé de screams et véritable appel à la révolte face aux gouvernements qui voudraient nous rendre dociles. C'est notamment le cas du nouveau single "Teardrops", dont le texte revient à quelque chose de plus personnel, témoignant de la longue dépression d'Oli, magnifiquement mise en images dans sa vidéo. Le titre débute par une intro très hip-hop, suivi d'une grosse basse dans les couplets, avec un pré-refrain de malade, hyper pop et catchy ("Is how we got this stressed out, paranoid, Everything is going dark, Nothing makes me sadder than my head"), puis un refrain rock et un pont un peu plus énervé sur lequel Oli hurle "Suicidal, violent, tragic state of mind, Lost my halo, now I'm my own antichrist". 

S'il y a bien un fil conducteur dans la discographie du groupe, ce sont les textes d'Oliver. D'ailleurs, il définit lui-même ce qui ressemble ou non à une chanson de BMTH d'après le thème abordé dans les lyrics, et on comprend que pour lui l'âme du groupe c'est l'histoire de ce jeune mec avec un sacré vague à l'âme. Un état auquel il revient toujours, même s'il veut s'en éloigner ou si tout semble bien aller dans sa vie personnelle.


L'influence Linkin Park se ressent à différents niveaux (le groupe a d'ailleurs récemment reconnu que LP influençait ses nouvelles chansons, les considérant comme "la Bible de la musique heavy et catchy qui combine l'electro et la musique pop"), notamment dans l'utilisation d'un synthé plus accrocheur et envoûtant tu meurs, comme sur l'excellent morceau rock "1x1" ft. le duo de rock anglais féminin Nova Twins, au refrain absolument génial et dont on ne se douterait pas de la gravité du texte au 1er abord : "So why you keep acting like I don't exist? Yeah, feel like I'm ready to die, but I can't commit, So I ask myself, when will I learn? I set myself on fire, to feel the burn, I'm scared that I'm never gonna be repaid". 

On retrouve le même genre de synthé sur l'autre pièce maîtresse du disque, la gigantesque "Kingslayer" (à laquelle l'interlude "Itch for the Cure", jeu de mot par rapport à un titre d'Hybrid Theory, sert d'intro), avec la présence des voix anglaises/japonaises des chanteuses de Babymetal, qui part dans un metal indus énervé, avec le retour des growls et des passages screamés façon Suicide Season, puis alterne passages electro et metal, pop à la t.A.T.u. et breakdowns metalcore, avec bien sûr le petit pont énervé ! Clairement le morceau le plus atypique, qui mélange tout ce qu'ils savent faire, incluant les délires de l'EP Music to listen to.  

A ce stade, ce n'est plus vraiment du metalcore ni du post-hardcore (malgré quelques moments plus évidents), mais une sorte de gros rock alternatif aux accents metal (avec souvent des gros riffs bien neo) ambiancé de façon indus. La force des membres du groupe est de s'inspirer de plein de choses qu'ils aiment, et d'en faire leur propre montage, sans chercher à imiter un style en particulier. Une intelligence et un savoir-faire qui leur permet à la fois de surfer sur la vague du revival neo metal avec ses riffs dantesques, de s'inspirer de leurs idoles Linkin Park, de faire du rock foncièrement grungy, de continuer à expérimenter avec l'electro, de renouer avec leur racines -core et même faire de la pop (le passage en chant de tête dans le refrain de "Teardrops"), le tout dans un mélange cohérent. 

Quant au morceau final, en duo avec Amy Lee d'Evanescence, ça faisait longtemps qu'on avait pas entendu une aussi belle ballade. Je vous parle d'une vraie ballade, aux ambiances post-rock, sombre et sobre dans la forme, mais orchestrée d'une façon gothique grandiloquente, avec des cordes et un piano ; pas d'un mièvre "Oh No" ou "Follow You", mais d'un truc qui prend autant aux tripes tel que "Deathbeds" (piste bonus de Sempiternal, déjà en duo avec une voix féminine). Une chanson de rupture tragique, qui prouve, une énième fois, qu'Oli est un des meilleurs paroliers de sa génération : "Past the point of rescuing, why'd I keep pushing my luck? The hole I wore into your soul has got too big to overlook, One day the only butterflies left will be in our chest, As we march towards our death, breathing our last breath, I thought we had a future, but we ain't got a chance in hell". 

Intense, inspiré, mélodique, catchy, violent, les superlatifs ne manquent pas pour décrire Survival Horror. Puisant l'inspiration dans ses 3 derniers albums et dans ses groupes fétiches, regardant dans le rétroviseur sans faire de concession sur son envie d'avancer, continuant à se réinventer en piochant dans ce qui l'anime, ce sera le disque inespéré de la réconciliation entre BMTH et son public rock (voire son public des débuts). Un disque qui se hisse sans peine au sommet du podium et se fait une place sur la marche autrefois égoïstement gardée par Sempiternal. Inutile de rappeler qu'ils viennent probablement de redéfinir les contours de ce que sera le rock dans les années qui arrivent. Et une autre preuve que BMTH reste un des groupes les plus excitants du moment : on se demande déjà dans quoi ils vont nous embarquer sur leur prochain EP, le 2ème à constituer la quadrilogie Post Human, et qui est déjà assuré d'avoir un "mood" différent (au risque d'en décevoir certains).

Alucard. 

Note du rédacteur : 5/5

1. Dear Diary 
2. Parasite Eve 
3. Tear Drops 
4. Obey (feat. YUNGBLUD) 
5. Itch For The Cure (When We Will Be Free?) 
6. IXI (feat. Nova Twins) 
7. Kingslayer (feat. BABYMETAL) 
8. Ludens 
9. One Day The Only Butterflies Left Will Be In Your Chest As You March Towards Your Death (feat. Amy Lee of Evanescence)

3 commentaires:

  1. On se calme on se calme ! Je serai pas aussi catégorique.oui le disque est bon, le "retour" en arrière peut paraître bienvenue menfin on est quand même bien loin de l'unité et la cohérence qu'avait Sempiternal ou même TSS. Ils ont deja prouvé quils pouvaient donner bien plus dambition a leur musique. Ca reste un ep et ca se voit je trouve. J'aimerai qu'ils capitalisent sur ces morceaux et quils nous sortent une suite bien plus expérimentale sans se soucier de quel public/fans apprécieront

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    1. Ca fait longtemps que bmth fait la musique qu'ils ressentent et cela malgré les critiques des "fan du premier jour" (dont je fait partie) merci pour ce qu'ils produisent qu'on soit fan ou pas

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  2. Il y a 8 chansons (je ne compte pas l'interlude qui sert d'intro à une chanson), 8 tueries. Dans les thèmes, il n'y a pas plus ou moins d'unité que dans les albums précédents (peut-être que le thème ici est la survie, que ce soit à travers une pandémie, la fin de la planète, une apocalypse zombie, des envies de suicide ou une rupture dévastatrice), et si tu trouves que ça manque d'unité, pour le groupe c'est un recueil de chansons qui représentent pourtant le même "mood" pour reprendre leur terme. Donc non, je ne suis pas vraiment d'accord par rapport au manque d'unité et de cohérence par rapport aux anciens albums. Niveau expérimentation, s'ils ne partent pas dans une nouvelle direction, la façon qu'ils ont de tout mélanger fait qu'on arrive bien à une nouvelle destination, un nouveau mélange unique, l'expérimentation est donc toujours là. Peut-être que tu n'apprécies pas le fait que tous les morceaux ne sonnent pas pareils (on peut distinguer d'un côté les morceaux de gros rock mélodique, et les autres un peu plus collage, et l'intro qui est un bourrinage à part), mais l'ensemble s'écoute facilement et harmonieusement. On ne peut pas reprocher à un disque d'être varié, au contraire. Et oui tu l'as dit, c'est un EP, jugé en tant qu'EP, et en soit il n'y a pas grand chose à y redire. Après Oli a bien expliqué pourquoi il revenait au rock, c'est pas à cause de l'avis des fans, sachant, comme tu le dis, que la suite sera sûrement plus expérimentale encore, du moins différente (car faire de la pop ou de l'electro, c'est peut-être moins habituel pour le groupe, mais pas plus expérimental pour autant - là y'a vraiment une recherche pour fusionner les genres, et ça c'est bien plus expérimental qu'un morceau comme "medicine"), on a vraiment zéro raisons de bouder notre plaisir avec celui-ci.

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