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Chronique : The Used - Heartwork


Si The Used a perduré toutes ces années après avoir été l'un des fers de lance de l'explosion emo du début des années 2000, aux côtés de formations comme My Chemical Romance ou Taking Back Sunday, nombreux sont les fans qui ont abandonné le navire en cours de route. La faute a des albums (Artwork (2009)/Vulnerable (2012) qui ne tenaient pas la comparaison avec le trio sans faute des débuts, Lies for the Liars (2007) parvenant encore à faire perdurer la magie malgré le départ de l'excellent batteur Branden Steineckert, parti gonfler les rangs de Rancid en 2006.

Depuis, on attendait plus qu'une chose, que le groupe retrouve de sa superbe. Et l'on y croyait vraiment lorsque le guitariste technique Justin Shekoski, ancien Saosin, les a rejoint en 2015. Pourtant, le dernier album en date, The Canyon, fut encore une sacrée douche froide. 

Il aura fallu attendre 2020 et ce Heartwork pour retrouver le The Used dont nous étions tombés amoureux en 2002, la bande à Bert McCracken essayant cette fois de "recréer le début de la carrière de The Used" dans leurs cÅ“urs, tout en disant "oui à chaque occasion" et sonnant "moderne". On peut dire que l'objectif a été atteint ! 

Ici chaque titre est différent et s'écoute avec plaisir, à commencer par les plus bourrins comme l'explosion punk rock d'ouverture "Paradise Lost", ou "Blow Me" avec ses passages hurlés par le très bon Jason Aalon Butler de Fever 333. Au milieu, un refrain pop qui fait mouche : "What if you found a gun? Would you use it like I did? Put a bullet in my head. I don't think you could." C'est bien ce qu'il manquait à la formation ces dernières années : la capacité à écrire des tubes ! 

Et tant pis s'il faut pour cela repomper la rythmique de "The Taste of Ink" sur l'intro de "Obvious Blasé" ft. Travis Barker, le titre dégagera ainsi un vrai feeling old school qui fait plaisir ! The Used remet les mélodies accrocheuses au cœur de l'équation, appelez-ça pop si vous voulez. "Clean Cut Heals" est certainement le titre le plus radiophonique écrit par le groupe à ce jour, pourtant le refrain nous renvoie aux tourments de son leader : "I will never leave. Maybe you should go. Cause a clean cut heals more beautiful."

En 2019, Bring Me The Horizon a osé le saut dans le vide en passant du metal à l'electro-rock, décloisonnant ainsi plusieurs barrières pour les générations de groupes à venir. The Used a lui aussi saisi la perche EDM. Le groupe peut se la jouer Imagine Dragons (avec plus de couilles) sur "BIG, WANNA BE", on lui préférera encore lorsqu'il donne dans la pop sombre avec "Cathedrall Bell" ("I'm confused by the shapes in the dark, The thoughts in my head, I know I'm alive, I thought I was dead") ou qu'il sort un refrain mega catchy et pourtant super mélancolique au synthé sur "Gravity's Rainbow", un des meilleurs titres de l'album. D'ailleurs son intro en cordes rappellera les orchestrations opérées dès In Love and Death (2004). 

Il est rare que les chansons se limitent à un seul genre, l'ensemble s’entremêlant de façon audacieuse, l'electro s'entrecoupant avec des passages rock bien bourrins ("Darkness Bleeds, FOTF"). Et pour les plus fermés d'entre-vous, il restera encore "Bloody Nose", entre gros riffs et passages inquiétants hérités de In Love and Death et Lies for the Liars

Caleb Shomo de Beartooth est également utilisé à bon escient sur "The Lottery", n'hésitant pas à faire appel à ses capacités de chant clair tout autant que sa puissance vocale pour l'un des morceaux les plus violents dans son final. "The Lighthouse" invite quant à elle Mark Hoppus et débute sur des accords pop punk qu'on imagine tirés d'une chanson triste de blink-182, les couplets et le pré-refrain chanté par Mark contrastant avec le refrain plus positif, changé sur demande de la fille de Bert, qui n'aimait pas que son père chante "I can't be your lighthouse".

Le titre "Wow, I Hate This Song" est une chanson atypique que Bert a commencé à écrire il y a déjà des années, et qu'il n'a terminée que maintenant. Elle parle autant des daubes qui passent à la radio que des (mauvais) souvenirs qui sont rattachés à certains morceaux. Très légère en apparence, elle est pourtant entièrement doublée de voix hurlées. Et que dire de "1984 (infinite jest)" ? Autant inspiré du 1984 de George Orwell que de L'Infinie Comédie de David Foster Wallace (plusieurs titres sont inspirés par la littérature), rythmée par son tic-tac et qui s'éteint à l'heure du refrain, pour mieux repartir sur un riff  à la Deftones. Au passage, une petite référence (tacle ?) à MCR. On vous laisse découvrir. 

Heartwork se fermera sur "To Feel Something", une magnifique ballade chialante, la dernière aussi émouvante c'était "Smother Me" sur Lies for the Liars. Du même niveau qu'un "Blue and Yellow" ou "Hard to Say". Le morceau se terminera pourtant sur une explosion electro/hurlements.

Avec ses 16 pistes, le disque, quand même généreux, glisse aussi quelques interludes comme "My Cocoon", petite pause sensible qu'on aurait aimé voir durer plus longtemps : c'est léger, c'est beau. Très différent, "Heartwork", est un interlude en spoken word qui rappelle l'intro de "I'm A Fake", basé sur poème que Bert a écrit en 2012 au détour d'une expérience qu'il qualifie de "violente".

Avec Heatwork The Used réapprend à écrire des tubes, livrant notamment parmi ses meilleures lignes de chant ou refrains depuis belle lurette, mettant l'accent sur la mélodie et l'émotion mais sans oublier d'offrir parmi les plus belles gueulantes de sa carrière. Mieux encore, il pioche dans son illustre passé tout autant qu'il se tourne vers l'avenir, innovant plus que jamais et accouchant d'un disque varié (punk, -core, cordes, electro) et accrocheur qu'on prend enfin plaisir à écouter et réécouter. Pour autant, on ne retrouvera jamais le The Used des deux premiers albums - dynamité par un chant débordant d'énergie, toujours sur le fil du rasoir entre chant clair et cris - mais ce The Used cuvée 2020 (avec l'arrivée du nouveau guitariste Joey Bradford), différent, fait tout à fait le taff, et Heartwork peut s’inscrire dans la lignée d'un bon disque comme Lies for the Liars. On aime d'ailleurs à penser que c'est son successeur, comme si les autres n'avaient jamais existé. 

Note du rédacteur : 4/5

1. “Paradise Lost, A poem by John Milton”
2. “Blow Me” (Feat. Jason Aalon Butler) 
3. “Big, Wanna Be” 
4. “Bloody Nose” 
5. “Wow, I Hate This Song” 
6. “My Cocoon” 
7. “Cathedral Bell” 
8. “1984 (Infinite Jest)” 
9. “Gravity’s Rainbow” 
10. “Clean Cut Heals” 
11. “Heartwork” 
12. “The Lighthouse” (Feat. Mark Hoppus) 
13. “Obvious Blasé (Feat. Travis Barker) 
14. “The Lottery” (Feat. Caleb Shomo) 
15. “Darkness Bleeds, FOTF” 
16. “To Feel Something“.

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