Chronique : mgk - Lost Americana
C'est après avoir supprimé deux fois le disque (de rap ?), et être parti dans une direction folk-rock sur une poignée de singles standalones, que mgk s'est décidé à explorer l'americana sur son nouvel album, Lost Americana, lui permettant finalement de combiner toutes ses influences de ces dernières années sous une même étiquette, le genre mêlant le roots américain et les traditions musicales qui ont fait l'histoire américaine : le folk, la country, le rhythm and blues, le rock 'n' roll et le bluegrass.
Ce n'est pas moins que Bob Dylan en personne qui nous introduisait au disque dans le trailer : "Lost Americana est une exploration personnelle du rêve américain ; un voyage à la recherche de ce qui a été perdu. Cet album est une lettre d'amour à ceux qui cherchent à se redécouvrir : les rêveurs, les vagabonds, les rebelles".
L'album s'ouvre avec la magnifique "outlaw overture", un morceau synthrock, qui surprend déjà par l'utilisation de son synthé donc (c'est la 1ère fois que mgk fait un titre comme ça), et une seconde fois lorsqu'il opère un switch folk-rock sur sa seconde partie ! Un titre deux en un donc, assez punchy avec ses voix qui se répondent dans le refrain, et qui, au niveau des paroles, illustre parfaitement l'esprit du disque : mgk y parle de s'évader, de se libérer des chaînes qui le retiennent, partagé entre l'autodestruction et l'espoir de transformation. Ce serait le dernier morceau qu'il a écrit pour l'album, trouvant qu'il lui manquait une intro.
On va attaquer direct avec les titres les plus rock, ceux, qu'évidemment, on
attendait le plus. On se prend une grosse claque avec "dont wait run fast", un énorme tube rock qui aurait pu sortir dans les années 2000, pas
étonnant qu'il ait été choisi comme hymne pour accompagner la saison
universitaire de foot US ! On peut même y voir un petit côté The
Offspring. Elle a été créée le lendemain de la défaite de son ami et
compatriote de Cleveland, Travis Kelce, lors de la finale du Superbowl,
alors qu'il devait se produire à la fête qui a suivi. Inspiré par ce moment,
il est entré en studio avec l'idée d'un riff de guitare "capable de motiver les gens et de donner vie à quelque chose qui n'en
avait plus". "vampire diaries" est le tube pop punk du disque, le seul qui
aurait pu figurer sur l'un de ses deux derniers albums, même si, déjà , on
sent l'apport de l'americana dans les guitares des couplets, façon Taking
Back Sunday. Les paroles font un parallèle entre le thème du vampire et sa
propre vie. Il part ensuite dans le rock indie à la The Strokes sur "sweet coraline", qui, fun fact, est inspirée d'une anecdote réelle : une fan a couru vers
lui dans la rue pour lui demander "Comment as-tu pu échapper à Megan Fox ?", le laissant, lui et ses amis, stupéfaits. Alors qu'elle s'excusait, elle
a failli se faire renverser par un taxi, jusqu'à ce que l'équipe de mgk la
dégage. Plus tard, il a raconté cette histoire à Travis Barker, qui lui a
dit : "C'est dur. Tu devrais écrire une chanson là -dessus". Ainsi, le
refrain dit "Douce Coraline, je ne tiens plus qu'à un fil, Je n'arrive pas à oublier
les choses que tu as dites". Il ressort le synthé de l'intro (qui sonne ici très The Cure) sur
"starman", entre pop punk et rock indie, qui est en fait une reprise à sa sauce du titre "Semi-Charmed Life de Third Eye Blind, et dans laquelle il parle de sa
relation brisée ("Je pourrais compter les heures et les minutes que ça a été sans toi,
Prends un cœur et brise-le, si tu veux savoir, je te montrerai comment
faire"), reconnaissant ses torts ("Et ouais, je sais que tes amis ne m'aiment pas, Et il est peu probable
que tu penses que je pourrais changer, Parce que tu sais que je suis né
sans espoir"), disant qu'il a besoin de quelque chose de plus dans sa vie ("Je veux quelque chose d'autre pour me faire traverser ce genre de vie
semi-charmée").
On peut aussi voir du pop punk dans le single maintenant bien connu
"cliché", évidemment bien trop pop pour que les puristes valident
l'appellation (et puis, il y utilise une guitare acoustique). Un titre
ultra-simple (pour ne pas redire cliché), mais aussi ultra-catchy ! Tout
aussi catchy, le single "miss sunshine" et son air entraînant,
presqu'emo pop, sur laquelle Colson chante avec une voix nasillarde
(enregistrée un jour où il était enrhumé ?) qui rend très bien. On y
apprécie les interventions de la chanteuse canadienne VVAVES.
Passons maintenant à la partie acoustique et folk-rock avec le meilleur
titre, "goddamn", une très belle ballade country (avec quand même
des accords de guitare électrique), et un excellent flow : "Des années gâchées, mais j'ai gardé mon âme, J'ai toujours su que ma
maison était le rock 'n' roll, Les jours sont courts, avant de partir,
Je veux que mon cercueil soit décoré de flingues et de roses", dans laquelle il parle des difficultés des relations : "Putain, je pensais qu'on avait une chance, Elle m'a filé entre
les doigts alors que je l'avais entre les mains, Ouais, putain, essaie
de comprendre, C'est comme ça que c'était, mais ce n'est pas qui je
suis, putain". Le titre se terminera par un synthé bruyant sur une guitare
électrique. Sur "can't stay here", la vraie ballade (presque) 100%
acoustique, mgk nous prouve qu'il a su faire progresser son chant, lui Ã
qui l'ont reprochait (à raison) d'avoir une voix très monocorde. Il
raconte comment il repousse les gens tout en souffrant de solitude.
Il gratifiera ses plus anciens fans de 2 morceaux rap excellents dans la
lignée d'Hotel Diablo : "indigo", avec sa superbe instru
mystique ("J'ai tout à célébrer à l'extérieur, Pourtant, rien de tout cela
n'élimine ce qu'il y a à l'intérieur, Et puisque je dois trouver un
moyen de faire face, Je commence par inverser certains des mots que
j'ai écrits, À la place d'être un démon, sois un phare d'espoir, Parce
qu'un jour on traîne ensemble, Le lendemain tu es pendu à une corde") et le mélancolique "tell me whats up" avec son instru piano,
où il aborde sa dépression et tous les commentaires négatifs qui
l'affectent ("Yeah, uh, tell me what the fuck's up, I don't wanna go out, everybody
sucks, Agoraphobic in this house don't help much"), mais précisant que la musique est plus importante : "They skipped the body of work because of how I'm dressing, At least
my public crucifixion got the message spreading, I was gonna turn the
volume down, But then I realized that I like this song more than I
like you".
On approche de la fin et c'est souvent le moment où l'émotion est mise
en avant. Ce sera effectivement le cas avec "treading water",
un vrai morceau melting-pot, dans laquelle il s'adresse à son ex Megan
Fox, la mère de sa seconde fille née récemment. Le titre débute en
acoustique ("Les échos de tes mots disant : 'N'écris pas de chanson pour moi',
Tout va mal en moi, élevé sous les ailes des démons, Et même si Dieu
est avec moi, sans toi je n'ai aucune raison, Ce sera la dernière
fois que tu m'entendras dire pardon, Ce sera la dernière larme que
tu gaspilleras en me faisant pleurer, J'ai brisé ce foyer, et tout
comme mon père, je mourrai tout seul"), avant de décoller vers le rock ("Je regarde les visages des enfants, Assis dans l'allée pendant que
je fais mes valises, Je viens de gâcher leurs vacances, et les
mensonges ne meurent pas, ils grandissent, Et tout ce que tu essaies
de cacher finit par se montrer, La bête a tué la beauté ; le dernier
pétale est tombé de la rose, Et je t'aimais vraiment, c'est pourquoi
il est difficile de te laisser partir, J'ai brisé ce foyer, mais je
changerai pour notre fille, pour qu'elle ne soit pas seule").Dans la 3ème partie, en rap cette fois, il raconte qu'il a écrit
ce texte enfermé en cure de désintoxication, et qu'il souffre de ce
qu'on dit de lui dans la presse et en ligne :
"Je suis un patient hospitalisé, mais j'ai perdu patience
Je viens de casser quelque chose, mais je suis obsédé par les
ragots qui, je le sais, se produisent
Alors que je suis juste exclu de la conversation
C'est une relation compliquée, ça ne regarde personne
Mais je suis dans ce business, admets-le, je me suis caché de
l'idée
Que le public a ruiné ma réputation
Et c'est fou, de voir des citations d'une source que quelqu'un a
inventé
Parce que pour moi, vous pouvez tous ressentir de la haine pure
Mais gardez juste notre bébé hors de cette situation
C'est un long chemin vers la rédemption, et un plus court vers la
damnation.
Je sais quelle est ma destination
Mais le voyage ne vient pas sans frustrations
Comme il ne vient pas sans tentations
Et l'échec peut mener à une élévation
Parce que parfois, il faut voir ce qui attend de l'autre côté
Et savoir que son âme vaut la peine d'être sauvée".
Si vous n'avez pas la larme à l'Å“il à ce stade…
On terminera tout en délicatesse avec "orpheus" et son piano (et même
un violon), une autre ballade qui serre le cœur et dans laquelle il
semble, encore une fois, avoir du mal à dire adieu à Megan (qui a co-écrit le titre avec lui) : "Juste pour cet instant, puis-je te tenir ? Sens ton cÅ“ur battre jusqu'Ã
ce qu'il s'estompe, Et dans cet instant, c'est toi et moi seulement, Je
t'aimerai tous les jours" […] "Te souviens-tu quand tu pensais à tort, Que je pouvais te rendre heureux ? J'aimerais qu'on puisse encore rêver et rêver, Je ne te
laisserai pas m'aimer, mais je ne peux pas te laisser me quitter, C'est
une tragédie, et nous avons tous vu cette scène".
Machine Gun Kelly met toute son âme dans ses chansons, c'est pourquoi il
a, malgré sa mauvaise (et injuste) publicité, autant d'admirateurs et de
fans hardcore. Car sous une pluie de commentaires acerbes se cache en
réalité une pile de numéros 1 dans les charts, ce qui n'est que justice.
Peu d'artistes sont aussi sincères et transparents dans leur compositions,
et c'est vraiment ce qui fait sa force, ce Lost Americana étant hanté
par sa rupture avec Megan Fox, ses angoisses mais aussi ses envies de
s'améliorer. Il nous prévenait dans le trailer : "Une exploration personnelle du rêve américain ; un voyage à la recherche de ce qui a été perdu". Cette recherche est aussi passée par une exploration musicale - en gardant le fil conducteur de l'americana et
ses dérivés folk et rock'n'roll, comme un besoin de se ressourcer, tant l'esprit que musicalement, mais aussi le hip-hop - avec la prouesse de parvenir à sortir des tubes dans chacun de ces styles. Bien sûr, je
préfèrerai toujours un bon gros titre rock à la "dont wait run fast" qu'un
morceau de rock indie à la "sweet coraline", mais il n'y a pas une chanson
sur laquelle je ne trouve pas quelque chose à quoi me raccrocher, que ce
soit les textes ou les mélodies. J'apprécie aussi tout particulièrement
ses moments folks, et les passages rap sont extrêmement bien gérés, comme
d'habitude. mgk est un artiste en constante évolution, et s'il semble se
sentir "comme à la maison" dans l'univers des guitares (on souhaite bien
entendu qu'il y reste), gageons qu'il n'a pas fini de nous surprendre. En
tout cas, on sera du voyage.
Note du rédacteur : 4/5
Alucard
2. cliché
3. run rebel run
4. goddamn
5. vampire diaries
6. miss sunshine
7. sweet coraline
8. indigo
9. Starman
10. tell me what's up
11. can't stay here
12. treading water
13. orpheus
Note : 3 batteurs différents se partagent le disque. Sterling Mitchell Laws (pistes 2, 3, 5, 6-8, 10), Travis Barker (1, 4, 7, 12) et son batteur live, Rook Capelletty (6, 11).
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