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Live Report : Angelo (J-rock/visu) en livestream depuis Tokyo, les 9 et 10 janvier 2021

Comme Angelo est loin d'être le groupe de J-rock ou visu le plus connu en dehors du Japon, faisons rapidement les présentations. Au chant (Kirito), à la basse (Kohta, aussi frère du chanteur) et à la batterie (Takeo), vous trouvez des anciens membres de feu-Pierrot : Angelo a été créé quelques mois après sa séparation. En résumé, dans les deux cas, il s'agit de visual kei "sans robes à froufrous" (car oui, le visu "sans robes à froufrous" existe !) Musicalement, on est à la frontière de beaucoup de choses, encore plus depuis 2011 avec l'arrivée aux guitares de Karyu (ex-D'espairs Ray, qui a eu une petite période à succès en France) et Giru (ex-Vidoll, certes moins connu) : Angelo semblait vouloir aller vers un son plus "heavy", plus dense, mais ils n'avaient qu'un seul guitariste avant. Qui ne composait pas. Maintenant, Karyu compose au moins autant que Kirito, amenant le côté electro-indus que pouvait avoir D'espairs (souvent plus gentil, quand même, mais dans l'idée), allant parfois vers ce qu'on appellerait du metal en France. Mais pas toujours. De plus, Giru à la deuxième guitare permet d'avoir un son beaucoup plus dense, notamment sur scène. Mélangez ça à du J-rock, avec tous les contre-temps et les harmonies décalées que ça implique, à des choses parfois plus "indies" ou plus "major" (ces deux qualificatifs ont un sens dans le J-rock mais évitons de vous noyer dans un traité de musicologie), parfois occidentales (peut-être liées aux accents electro-indus, en tout cas ce que nos oreilles occidentales en entendent), et vous aurez Angelo. En résumé, avec Angelo, on ne sait pas toujours où on va, mais on a rarement le temps de s'ennuyer.

Sachez également qu'il y avait bien un public présent à ces deux concerts : alors que les pouvoirs publics français refusent toujours d'ouvrir les lieux de spectacle vivant, suivant ce qui ressemble de plus à plus à une position de principe, les concerts devant public ont repris au Japon à la fin de l'été. Des gestes barrières sont évidemment mis en place : tout le monde porte un masque, personne n'émet le moindre son si ce n'est en applaudissant, on ne bouge le corps que pour bouger la tête (et encore, si on peut éviter c'est mieux). Les salles appliquent également des jauges réduites, afin que soit espacé sans être forcément assis. Ces deux concerts d'Angelo à Tokyo mettent fin à une tournée de huit dates, commencée mi-novembre. Cependant, ça n'a pas pu être totalement la fête attendue : juste avant ces concerts, le gouvernement japonais a ordonné des mesures de durcissement face à une recrudescence des cas de Covid-19. En effet, 8 000 cas étaient déclarés en 24h le 8 janvier, pour une population de 121 millions de personnes (67 millions d'habitants en France, où nous n'arrivons pas à descendre sous les 20 000 cas), et surtout une courbe qui augmente très rapidement. Angelo a donc annulé la tournée qui devait se tenir au printemps, et proposé aux spectateurs des 9 et 10 janvier de se faire rembourser s'ils le souhaitaient. A en croire nos écrans, nombreux sont ceux à avoir choisi de se rendre au concert malgré tout, peut-être encore plus le deuxième soir. Devant les caméras en tout cas devant les caméras, ça paraît plus dense.

Car, oui, ces concerts ont lieu dans un contexte impossible à ignorer : le Covid-19. C'est même grâce (oui, "grâce") au Covid-19 que beaucoup de groupes japonais diffusent des concerts en streaming, nous permettant d'y assister depuis la France. Sans être dans la salle, mais tout de même ! Comme tous les concerts de cette tournée (un autre en novembre avait déjà été streamé), ces deux concerts sont introduits par une très courte vidéo montrant quelques images fortes de l'année passée : une double hélice d'ADN, un virus à couronne, un enfant masqué derrière une fenêtre qui tient un ourson masqué, le parvis de la Tour Eiffel absolument vide (si si), des manifestants à Hong-Kong, un lever de soleil, quelqu'un qui chante et applaudit à la fenêtre (si si bis), des gens qui se tiennent la main etc. Et un potentiel œil de Kirito pour conclure (quand on a été fan de Pierrot, on connaît par coeur l'oeil de Kirito). L'année 2020 a été riche, pour tout le monde, il est impossible d'oublier ce contexte et Angelo le sait bien, même s'il essaie d'aller vers quelque chose de positif au final. Après tout, c'est une période qui nous oblige à évoluer à marche forcée : "The Forced Evolve", nom de la tournée, est certes une utilisation très particulière de l'anglais, mais ça permet surtout d'exprimer ce que nous vivons tous (et permet de faire un logo plus sympa que "The Forced Evolution"). Dans la même idée, leur album de l'année (au Japon on ne chôme pas : un album par an pour beaucoup), sorti début novembre 2020, s'appelle Evolve. Or il faut bien partir d'une base, pour évoluer…

Version longue de la vidéo diffusée en introduction des concerts, avec le début d'"Enter The Neophase", première chanson de l'album Evolve.

Comme pour toute tournée de "promo d'album", Angelo commence chaque soir par jouer l'intégralité du dernier album en date, dans l'ordre. Pour la suite du concert, ils piocheront surtout dans les deux albums précédents, avec seulement quatre morceaux communs sur quatorze "hors Evolve". La soirée commence donc par "Enter The Neophase", morceau très calme, qui porte une certaine noirceur mais aussi un espoir, une envie de "sortir de là". Le genre de chanson que Kirito faisait déjà dans Pierrot. Puis "Swallow", plus rythmée, surtout sur le refrain qui donne tout à fait envie de se dandiner (merci à la batterie de Takeo). A nouveau une chanson très Kirit-ienne, typique de ce que l'on peut entendre en J-rock ou dans le visu, même en "indies". Suit "Evolve"... ah ! Du Rammstein-like en introduction ! Une chanson de Karyu ! La version jouée en novembre avait un côté un peu timide, ou innocent, ils lui ont donné réellement plus de corps depuis : sur ces concerts, la chanson est beaucoup plus incisive (encore plus le deuxième soir, pour des raisons indépendantes de la musique, nous y reviendrons.) Il ne s'agit pas de vous lister l'intégralité des chansons jouées, ne vous inquiétez pas, c'était juste pour vous présenter la musique d'Angelo de manière plus concrète mais succincte.

Une différence majeure entre les deux soirs est l'attitude du groupe : le 9 janvier, premier soir, clairement, ils manquent de sommeil. Ca se voit particulièrement dans l'attitude de Kirito, qui fait de grands mais rares gestes, comme quelqu'un qui cherche à se forcer à se réveiller. Ce qui marche rarement… Mais bon, il a du métier et sait très bien tenir une scène : même un Kirito à 60%, ça reste beaucoup plus vivant que beaucoup de chanteurs. Karyu bouge, mais moins que d'habitude, la plupart du temps Giru fait sagement ses parties de son côté, un peu pareil pour Kohta, qui bouge un peu mais on a l'habitude de plus de sa part (et Takeo, coincé derrière sa batterie, chante moins à tue-tête). Le deuxième soir, dès les premières images, on voit tout de suite qu'ils ont pu dormir : Kirito est beaucoup plus présent physiquement et psychologiquement, il bouge énormément mais sans paraître se forcer (comme un Kirito dans son état normal !) et il est probable que -toutes- les personnes dans la salle ont croisé son regard au moins une fois durant le concert. Karyu retrouve des forces, Takeo chante un peu plus, Kohta est toujours moins en forme que d'habitude mais c'est mieux que la veille, même Giru arrive à pas mal bouger (c'est rare !) Les connaissant, je me permets d'affirmer qu'ils ont commencé le concert à 80% de leurs capacités, pour passer dans les 90% après quelques morceaux : il y a toujours mieux, mais c'était un bon concert ! Hélas, c'est le premier soir qui sortira en DVD… ma foi, ça n'était pas un mauvais concert du tout, c'est juste que quand on les connaît on sait qu'ils peuvent faire encore mieux.

Clip d'"Evolve", avec son studio et images tirées du concert streamé en novembre dernier. Ici la version anglaise pour avoir une idée de ce qui se dit, aussi pour saluer la première fois qu'ils prennent le temps de sortir une vidéo avec une traduction anglaise, mais sachez que les textes en japonais sont tout à fait bien écrits, contrairement à ce que cette traduction probablement très aidée par Google peut faire croire !

Peut-être en réponse à cette attitude du groupe, le public sera bien meilleur le deuxième soir. Ou bien parce qu'il a hésité à bouger pendant la plupart du premier concert, ne commençant à vraiment se lâcher que sur les derniers morceaux : restant sur cette lancée, les nuques partent très facilement en séance d'exercices le deuxième soir, dès le début du concert. Les applaudissements restent timides, mais c'est l'habitude japonaise (sérieusement, quand je vais à un concert au Japon, je fais "chauffeuse de salle" à moi toute seule… même dans une grande salle, même depuis le haut des gradins !) A la fin du deuxième concert, un ou deux fans crient leur bonheur entre les morceaux : des japonais qui enfreignent les règles, pas bien ! Mais pas si rare, en réalité. Encore faut-il que le groupe le mérite, et en effet, le 10 janvier, Angelo le méritait bien.

Une grande tradition des groupes japonais, donc d'Angelo, est "le discours" : en dehors des petites harangues de chanteur à l'occasion, il y a généralement deux longs "discours" de Kirito (+ un "moment promo sur les sorties ou concerts à venir du groupe" à la fin du concert), un rapide par membre du groupe avant les rappels, et à nouveau après les rappels. Le 9 janvier, rien de très primordial n'a été dit, en dehors des éternels "heureux de vous voir et merci". Soit je suis passée à côté des longs discours de Kirito, soit… il a dit des choses assez classiques, même si à sa manière (assez élaborée). Au plus Karyu a-t-il enjoint les gens à "suivre/respecter les règles" (sans aucun doute par rapport à la situation actuelle). Le deuxième soir, Kirito a un peu mieux su parler du fait que, dans le fond, la situation actuelle nous amène à réfléchir à ce qui est important pour chacun de nous, qu'il faut protéger et cultiver ce qui nous est précieux. Ca peut paraître creux, mais dans le contexte actuel, il faut reconnaître que tout le monde a sans doute eu ce genre de réflexion, ou d'attitude, en 2020. Voire l'a encore. Concernant Kirito, et Kohta, il faut aussi dire qu'ils ont perdu leur père cet été. Kirito s'était disputé avec lui il y a longtemps, ils ne s'étaient jamais vraiment réconciliés, malgré tout il a publié sur Instagram un joli texte, très respectueux, évoquant à la foi leurs difficultés et sa mémoire. Kohta était par contre proche de leur père : lors du concert streamé en novembre, premier concert après le décès de leur père, il n'a quasiment pas réussi à parler, en tout cas pas du tout dans son état d'esprit habituel, il avait les larmes aux yeux du début à la fin. Ces deux soirs, il dit quelques mots, on ressent une envie d'être là, mais on est loin du boute-en-train faux mauvais garçon qu'il est d'habitude. Bien évidemment, vu les circonstances, c'est plus que compréhensible.

Une autre différence était notable, même si elle relevait peut-être de mon imagination, ou a pu être influencée par les costumes de Kirito. En effet, le premier soir, le 9 janvier il était habillé ainsi:

(Photo officielle et reprise par beaucoup de sites japonais, ici prise sur Barks. Et "visu sans robe à froufrous", donc.)

En bonne inconditionnelle de Pierrot que je suis, je vois ce costume, je pense automatiquement à :

Publiées dans le magazine japonais Fool's Mate à l'époque, scannées par mes soins.

= Tournée Celluloid de Pierrot, Celluloid (1997) étant leur première sortie "grosse" indies, ou premier mini-album à distribution un peu sérieuse. Au début de ce concert, le petit rappel pas forcément volontaire m'a fait sourire (encore que, connaissant Kirito-qui-planifie-tout, et à ce niveau de similarité, on peut très fortement douter d'un pur hasard.) Dans la deuxième partie du concert, après qu'ils aient fini de jouer Evolve, j'ai vraiment l'impression qu'ils jouent surtout des morceaux qui ont souvent ce côté "indies" qu'Angelo peut avoir ? Je suis donc prête à parier que le lendemain sonnera plus "major"...

En effet, quand Kirito arrive sur scène le 10, je pousse un grand "HA !" en pointant mon écran :


Capture d'écran, ma connexion n'est pas extraordinaire d'où l'image un peu pixelisée, mes excuses.

Quelle importance ? Voyez-vous, en 1998, sur le final de la tournée Mad Sky, Kirito annonçait le passage en major de Pierrot (= ils venaient de signer avec une grosse maison de disques, ça devient sérieux et tout). Quand il a fait cette annonce, il était habillé comme ça :


Egalement publiée dans Fool's Mate à l'époque, également scannée par mes soins.

Depuis, voir Kirito habillé "en rouge à trucs qui pendouillent" a une certaine connotation pour les fans de Pierrot. Alors, oui, le 10 janvier 2021, le pantalon est noir. Il n'empêche que, à mes oreilles en tout cas, la sonorité générale de ce concert a quelque chose de beaucoup plus "major". Et je vous passe les images de cette tournée où il portait un costume rappelant furieusement celui de l'époque Private Enemy (deuxième album de Pierrot, et single), notamment pendant ce concert en novembre. Ou la session photo pour un magazine cet automne où il avait un maquillage rappelant forcément la promotion de Heaven (troisième album de Pierrot, et pour le coup, cette bande verticale bleue sur tout le visage… aucune chance pour que ce soit un hasard !) Comme ça a été évoqué en introduction, 2020 a été une année marquée par le changement : on peut le subir, on peut aussi choisir dans quel sens évoluer. Or, pour évoluer, il faut partir d'une base : visiblement, pour Kirito (et certainement pour Angelo, il est peu probable que Giru ou Karyu le prennent mal), cette base s'appelle Pierrot. Et puis les inconditionnels des robes à froufrous demandent souvent en quoi Angelo/Pierrot peut bien être du visu, voire refusent de le considérer comme tel, voilà une bonne réponse : un simple costume évoque un moment précis de leur carrière.

Enfin, quelques mots sur la partie technique, d'autant plus pertinente qu'il s'agit d'un concert en streaming. Angelo engage certainement sa propre équipe pour le son et l'image, et ils sont généralement très bons (pour avoir vu d'autres concerts diffusés sur la même plateforme, je peux affirmer qu'Angelo fait partie des rares à toujours proposer un son et une image de très bonne qualité.) Parfois tel ou tel aspect est moins bon, c'est généralement corrigé au concert suivant. Par exemple, en novembre, le son du concert était un peu étouffé. Ca restait correct, mais ça n'était pas - un très bon son. Cette fois-ci par contre, pour les deux concerts, le son est d'excellente qualité. Cependant, la mise en scène (scénographie, lumières etc.) est correcte, mais par rapport aux standards habituels du groupe c'est un peu léger. Pour le concert de novembre par exemple, la scénographie était beaucoup plus poussée, les lumières bien meilleures etc. D'un autre côté, là encore, par rapport à un groupe lambda c'est très bien, quelqu'un qui découvrirait le groupe avec ces concerts n'y prêterait sans doute pas attention. La plateforme de streaming, enfin, propose toujours d'excellents services : aucun ralentissement ni problème technique particulier, image d'excellente qualité (même avec mon faible débit j'ai une très bonne image même en direct), le replay est disponible rapidement après chaque concert avec toujours la même qualité. Sur des streamings passés, il est arrivé qu'il y ait des problèmes de son : ils prenaient un peu plus de temps pour proposer le replay, où le problème était réparé. Pour ceux que ça amuse, il y a même un système de chat en direct couplé avec Twitter sur un côté de l'écran.

Au final, ces deux concerts, surtout celui du 10, sont de ceux qui donnent presque envie de remercier le Covid-19. En effet, un énorme avantage de ce virus quand on aime le J-rock est la quantité de concerts en streaming : certains y viennent timidement, nous permettant quand même de les voir sans avoir à payer de billet d'avion, d'autres s'y lancent à corps perdu. Angelo fait partie de la deuxième catégorie. Le concert du 9 était un bon concert, quand on connaît le groupe on sait qu'ils peuvent mieux faire, d'ailleurs ils l'ont montré dès le lendemain. Sans doute avec une bonne nuit de sommeil entre les deux. Le prochain concert en streaming aura lieu le 24 février, pour l'anniversaire de Kirito. Comme il ne s'agira pas d'un concert "de promotion d'album", il sera certainement plus facile à suivre pour découvrir le groupe : ils pourront piocher dans toute leur discographie (même s'ils ne jouent presque plus rien de leur période d'avant Karyu-Giru, ce qui est bien dommage !) S'ils pouvaient faire un concert avec la qualité de son des 9 et 10 janvier, une scénographie au moins d'aussi bonne qualité que le concert diffusé en novembre, et un groupe qui a bien dormi la veille, ça devrait être un tout à fait bon concert. Espérons juste que le groupe puisse à nouveau bientôt se produire devant un public qui peut leur répondre massivement, sans avoir à annuler une tournée pour raisons sanitaires etc. Et qu'ils n'arrêtent pas de diffuser certains concerts en streaming pour autant !

Polochon.

Chansons jouées le 10 janvier 2021 :
01.Enter the NEOPHASE
02.Swallow
03.:evolve
04.CELL DIVISION
05.Amon
06.AN ENDLESS MULTIVERSE
07.ティアドロップ ("Tear Drop")
08.春の風 ("Haru no Kaze")
09.MISSING LINK
10.ALL FOR YOU
11.FACTOR
12.RESULT
13.HYBRID CENTURY
14.NEW CENTURY BIRTH VOICE
15.CRUELWORLD
16.ACTIVATE RESONATE
17.RIP
(Rappel)
18.PROGRAM
19.Daybreakers
20.シナプス ("Synapse")

Chansons jouées le 9 janvier 2021 :
01.Enter the NEOPHASE
02.Swallow
03.:evolve
04.CELL DIVISION
05.Amon
06.AN ENDLESS MULTIVERSE
07.ティアドロップ ("Tear Drop")
08.春の風 ("Haru no Kaze")
09.MISSING LINK
10.ALL FOR YOU
11.A MONOLOGUE BY MEPHISTO
12.ファウスト ("Faust")
13.HYBRID CENTURY
14.NEW CENTURY BIRTH VOICE
15.FAITH
16.OUTBREAK
17.Daybreakers
(Rappel)
18.ACTIVATE RESONATE
19.STOP THE TIME , YOU ARE BEAUTIFUL
20.Script error

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