Chronique : Majestica - A Christmas Carol
Ah, Majestica. Ce groupe marquerait le retour du speed/happy metal. C'est sûr, c'est joyeux par ici ! Précisément, nous avons là la version happy metal d'A Christmas Carol, ou Un chant de Noël en français, roman célébrissime et absolument majeur, fût-il pour enfants, de Charles Dickens (Scrooge, les trois fantômes de Noël, etc.) : Majestica a décidé d'en faire un concept-album. Pourquoi pas, c'est un livre majeur donc un thème intéressant. D'autant que le groupe a toujours aimé les albums concept : ils en ont sorti plusieurs du temps où ils s'appelaient encore "Reinxeed" (ils ont changé de nom en 2019, quand ils ont signé avec le label Nuclear Blast). "La formation" est avant tout composée du guitariste-chanteur Tommy Johansson, guitariste de Sabaton depuis 2016. Les autres musiciens n'ont apparemment pas changé depuis Above The Sky (sorti en 2019), vu les changements de personnel opérés auparavant le temps dira si on peut réellement parler de "groupe" pour autant. Musicalement, la différence avec Sabaton est réelle : c'est plein de guitares rapides, mais c'est guilleret, dansant, et autres marqueurs du "happy-metal" (enfin, il faut croire, Majestica marque un renouveau du genre vous comprenez). A quelques moments d'auto-dérision ou clins d'oeil près : "Ghost Of Christmas Present", par exemple, est absolument la version Joyeux Noël d'une chanson de Sabaton; quelques passages ici et là auront aussi un côté très martial/Sabaton, mais toujours dans la joie, la bonne humeur et l'esprit de Noël.
Objectivement, cet album est très bon : bien composé, bien joué, bien chanté (par plusieurs membres du groupe, même si Tommy a le rôle principal, au sens propre), on retrouve tout au long de l'album l'esprit (et les poussières d'étoiles) de Noël. Il peut tout à fait donner envie de sortir faire des farandoles dans la neige, en invitant tout le voisinage à nous rejoindre. Car oui, tout cela est très... mielleux. "Happy-metal" à 300%. Jusqu'à l'écoeurement, en fait. Comprenons-nous bien : je suis la première à défendre ce style et à regretter sa disparition. Mais Majestica, en particulier sur cet album, représente selon moi absolument ce pourquoi ce style a fini par faire fuir beaucoup de monde : ça manque de rugosité, de moments rappelant que la lumière ne saurait exister sans constraste. Ah oui, un gros vilain méchant fantôme vient parler sur "Ghost Of Marley"... précédé, suivi et sur fond de tralapimpoums (littéralement) on ne peut plus dansants. Oulala ça fait peur, ça, dites donc ! Avec régulièrement, sur tout l'album, des bouts d'airs ou d'instruments devenus des grands classiques de Noël, histoire de bien en rajouter avec le surligneur.
Pourquoi donc faire la chronique d'un album que, visiblement, je n'ai absolument pas apprécié ? Déjà pour amener un peu de nuances dans cet élan de louanges que je lis et entends un peu partout. Ensuite, et surtout, parce que ça me désole de voir une telle déferlante de bonbons sucrés être ainsi portée aux nues. J'adore Sonata Arctica (jusqu'au départ du guitariste Jani Liimatainen en tout cas), j'adore Stratovarius, j'adore Angra, Rhapsody, Gamma Ray (beaucoup plus que Helloween), et énormément d'autres. Sauf que si ces groupes sont aussi bons, c'est parce qu'il n'y a pas que du tralalapimpoum de bonheur continu dans leurs chansons : "Carry On" (Angra), ça n'est pas "la vie est géniale !", mais "tiens bon / accroche-toi". "I Want Out", ça n'est pas "Je m'éclate !" mais "Je veux sortir de là !" Etc. Majestica n'est pas un mauvais groupe, objectivement, mais... est-ce qu'on écoute vraiment du metal pour recevoir un tel déferlement continu de bons sentiments ? Même Nightwish est plus sombre ! Là , nous avons un hymne à la beauté de l'esprit de Noël ("The Joy Of Christmas", au milieu de l'album), tout est dans cet esprit, absolument rien pour contrebalancer. Même "Ghost Of Christmas To Come" commence par une "forte inspiration" d'un air de Disney ("Tuons la Bête" de La Belle et la Bête) puis reprend un bout de "Christmas Eve / Sarajevo" de Savatage / Trans-Siberian Orchestra... sans rien de l'esprit "plombant / le moment est en fait grave" du morceau d'origine, tout se doit d'être dans la joie et la bonne humeur ici. Ah, Savatage et le T.S.O. (les deux étant quasiment la même chose), voilà une formation qui a fait deux très bons albums autour de Noël sans jamais tomber dans le piège du tout heureux tout merveilleux, comme quoi c'est possible.
Alors oui, on pourrait objecter en disant que c'est l'histoire d'Un Chant de Noël qui veut ça, ce livre n'appelle pas de rugosité mais uniquement la magie de Noël. Sauf que c'est précisément le contraire : le plus désolant est que les romans de Dickens sont célèbres parce qu'ils n'hésitent pas à présenter les travers et les bas-fonds de la société, même si tout finit bien à la fin. Nous en avons une vision de conte pour enfants aujourd'hui, mais ce roman est avant tout une réflexion voire une critique sur une société ou sur des individus qui placent l'argent au-dessus de tout (entre autres). En résumé, pour vraiment parler de ce roman, même en prenant le parti de le faire façon happy metal, il -faut- amener des contrastes, le livre lui-même le réclame. Donc non seulement cet album est probablement trop plein de bons sentiments, mais ce faisant il trahit l'oeuvre qu'il prétend illustrer (et certainement honorer).
Polochon.
Note de la rédactrice : 1,5/5
01. A Christmas Carol
02. A Christmas Story
03. Ghost Of Marley
04. Ghost Of Christmas Past
05. A Joy Of Christmas
06. Ghost Of Christmas Present
07. Ghost Of Christmas To Come
08. A Christmas Has Come
09. A Majestic Christmas Theme
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