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Thrice : retour sur la création de Vheissu à l'occasion de ses 15 ans !

Après le succès de (l'excellent !) The Artist in the Ambulance en 2003, et un an et demi de tournée pour le promouvoir, le groupe de post-hardcore Thrice commence à fatiguer et décide de prendre une pause d'un mois en juillet 2004. Durant ces vacances, chaque membre du groupe compose de la musique de son côté et commence à expérimenter. Le batteur Riley Breckenridge raconte que Brian McTernan, qui avait produit Artist, leur avait dit de commencer à écrire dès qu'ils avaient fini Artist

Suite au break, le groupe passe 8 à 9 mois dans un home studio construit chez le guitariste Teppei Teranishi. Beaucoup de démos enregistrées se focalisent sur la mélodie et le piano, bien loin des guitares agressives de leurs racines post-hardcore. En février 2005, le groupe a assemblé environ 20 chansons et recherche un producteur. Le chanteur/guitariste Dustin Kensrue dira qu'ils recherchaient quelqu'un qui n'avait pas de formule prédéfinie pour les groupes heavy. 

Ils choisiront le producteur Steve Osborne, en raison de son travail avec Doves et Placebo. Le groupe voulait un nouveau regard sur sa musique, et Steve avait d'avantage l'habitude de travailler avec des groupes rock et electro britanniques. De son côté, le producteur ne connaissait pas le groupe ni te témoignait aucun intérêt à la scène post-hardcore avant les sessions. Selon Dustin, le groupe espérait que "la force d'Osbourne avec les trucs plus mielleux" les aiderait à "explorer un peu plus cet aspect de notre musique." L'enregistrement a lieu aux studios Bearsville à New-York, entre avril et juin 2005.

Dustin a trouvé l'expression Vheissu dans le livre V. de Thomas Pynchon. Riley explique que Dustin "pensait que c'était un mot qui sonne vraiment très bien… Ça sort juste comme ça". Il explique également que le titre est aussi le nom d'une "passerelle au pied du Vésuve vers un tas de tunnels dans le monde souterrain."

Les chansons tournent autour de l'optimisme et de l'espoir, malgré une obscurité permanente. Près de la moitié du disque contient des citations directes de la Bible, notamment dans "For Miles". Les critiques caractérisent le disque comme un écart expérimental des racines post-hardcores de Thrice, avec l'utilisation de mélodies au piano ("For Miles") ou electro (la magnifique ballade éco-engagée "Red Sky"). D'autres parties rappellent le style post-hardcore d'At the Drive-In ("Hold fast Hope"), avec des transitions atmosphériques à la Radiohead et un travail de guitare dans la veine de Denali. Certains morceaux ont des arrangements mid-tempo avec la dynamique contrastée intensité/calme d'un Thursday ou un d'un Deftones, le tout avec l'humeur maussade d'un Cure. 

Dustin a fait un effort conscient pour moins crier sur les morceaux, ne le faisant que lorsque il sentait qu'un chant mélodique ne suffisait pas à transmettre l'émotion. Riley explique qu'ils "travaillaient sur la dynamique entre une partie vraiment douce et une partie vraiment lourde." Malgré le côté toujours heavy de l'album (ce sera malheureusement, à quelques morceaux près, le dernier album bien heavy du groupe), les membres n'écoutaient plus de musique dans cette veine. Ils se sont plutôt plongés dans les deux derniers albums de Talk Talk et une grosse quantité de Radiohead. Au cours des années précédents, ils avaient déjà commencé à élargir leurs horizons musicaux : Riley avec des artistes electro comme Squarepusher et Aphex Twin, Teppei et le bassiste Eddie Breckenridge se mettent au jazz, et Dustin écoute Tom Waits. Comme tous les membres contribuent à la musique, les parties sont influencées par différentes formes de musique. Riley explique que c'était un "défi vraiment cool" d'essayer de transformer ces parties séparées en morceaux de musique cohérents.

Le single "Image Of The Invisible" présente du code en morse, qui épelle le titre de l'album, et qui est réalisé par Dustin. Riley précise que la chanson était écrite avant qu'ils n'aient l'idée du morse, mais qu'après avoir cherché un son electro à poser dessus, ils ont trouvé que ça avait "une synchronisation très cool avec le beat". Le titre est mené par des gans vocals à la Comeback Kid, et le morceau, dans la continuité de Artist, a été comparé à un Linkin Park mené par Ian MacKaye. Le traitement de la vidéo est le résultat d'une collaboration entre Dustin et Gerard Way de My Chemical Romance. Dustin a déclaré qu'il voulait que la vidéo corresponde à l'énergie et à la dynamique de la chanson. Il s'inspire de La Cité des Enfants Perdus (1995).

Le monstrueux "The Earth Will Shake" commence comme un morceau de blues acoustique, avec un orgue Hammond joué par Teppei, avant de passer aux guitares hurlantes, avec la voix déchirante de Dustin. Le breakdown de la chanson comporte un a cappella enregistré dans le salon à l'étage du studio d'enregistrement, en tapant du pied sur le sol et en criant pour recréer les chants. La piste voit le groupe jouer avec différentes signatures de temps, rappelant une itération plus sombre d'Oceansize et la tonalité de "Big Riff" par Cave In. Il aborde le thème des détenus de prison aspirant à une évasion, inspiré par de la poésie de CS Lewis et des enregistrements de terrain du musicologue Alan Lomax.

L'envoutante "Music Box" comporte de la musique justement réalisée par une boite à musique, sur laquelle ils ont rajouté un piano Rhodes, un orgue Hammond et un synthétiseur. Un mot également sur le single et morceau final "Red Sky", mené par un piano joué par Teppei, qui parle de la façon dont les gens traitent les problèmes, "mais à la fin, les choses sont rachetées et il y a une résolution", avec de la batterie sur le refrain, des guitares avec un effet delay et une programmation de Steve Osborne. 


Vheissu marque un tournant dans la carrière de Thrice, et reste également le dernier grand album du groupe pour qui aime leur son post-hardcore (voire dernier très grand album tout court), avant qu'ils ne se plongent encore plus dans l'expérimentation un an plus tard avec la série d'EP The Alchemy Index. L'album a été encensé par les critiques et reste souvent considéré comme leur meilleur disque, pour sa complexité et son expérimentation (personnellement je lui préfère The Artist In The Ambulance pour son efficacité remarquable et m'avoir introduit au groupe, mais Vheissu est bien évidemment juste derrière). Noisey l'a décrit comme "le son d'un groupe post-punk, autrefois préféré par les rats du centre commercial de Californie du Sud, essayant de contrecarrer les attentes et de se libérer en incorporant des mélodies de piano, des atmosphères, des gang vocals en série, du folk japonais et un arwork inspiré de Pynchon par Dave Eggers." Il s'est classé à la 15ème place du Billboard 200 et a été positionné numéro 20 sur la liste de Paste des 25 meilleurs albums punk des années 2000. Kerrang! l'a placé en 10ème position sur leurs 20 meilleurs albums de 2005.

Une merveille à réécouter en entier par ici : 



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