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Chronique : Bring Me The Horizon - amo


Quatre ans après That’s The Spirit, un 5ème album qui avait la lourde tache de succéder au chef d’Å“uvre Sempiternal, Bring Me The Horizon nous revient enfin avec amo, un plus ou moins concept album autour de l’amour, amo étant le portugais pour « je t’aime », langue parlée par la petite amie brésilienne du chanteur Oli Sykes, mais qui peut aussi s’interpréter par « munition » (de l’anglais ammunation, abrégé en amo), ou encore « maître » en portugais européen. Un disque largement inspiré de son récent divorce, dont le thème peut se prendre au pied de la lettre, mais qui va également bien au-delà. 

Le groupe nous avait prévenu : amo ne sonne comme rien de ce qu’ils ont fait auparavant. On en avait déjà eu un aperçu avec les quatre premiers titres sortis, à commencer par « MANTRA », véritable titre transitoire, écrit sur la fin pour servir de transition entre l’album précédent et celui-ci. La chanson s’ouvre sur un post-hardcore urgent avant de partir dans un power rock aux riffs bien ficelés et un chant clairement plus mélodique qu’avant. « On voulait faire une chanson poppy de Pantera mixée avec Tame Impala ou Radiohead » livre le chanteur. « wonderful life », le second extrait dévoilé, est au final le morceau le plus violent de l’album, avec plusieurs cris assez aigus et un riff de guitare massif écrit durant leurs sessions de compositions avec Limp Bizkit. Oli nous narre une vision sombre et pessimiste du monde qui l’entoure, tout en se raccrochant aux petits bonheurs du quotidien. Un texte composé sur le vif en studio, et dont témoigne avec ironie l’introduction : alors qu’il raconte une anecdote qu’il a lu sur le fait que le cerveau commençait à se détériorer passé 27 ans, il oublie son texte, mais garde la prise « Makes me sad, but I’ve forgotten what I’m on about ». Dani Filth de Cradle Of Filth nous y offrira un court passage en spoken word de sa voix inquiétante.

La plus grosse surprise, et le début de la déception pour certains, est arrivé avec « medicine », le titre le plus pop écrit par le groupe à ce jour, qui nous faisait entrer dans le cÅ“ur de ce nouvel album, avec un morceau darkpop ultra accrocheur, qui parle « des gens qui ont une influence négative et de comment quand ils partent votre vie devient bien meilleure ». Le groupe se l’est joué encore plus guimauve par la suite avec « mother tongue », une chanson d’amour premier degré qui parle de la rencontre entre Oli et sa nouvelle petite amie, avec un refrain massif et imparable (avec un court passage en portugais : « So don’t say you love me fala amo ») qui en fait un tube instantané. Musicalement on est dans un rock/pop alternatif marié à un synthé omniprésent. 

L’album s’ouvre sur « i apologise if you feel something », un morceau electro avec (majoritairement) 4 notes de synthé qui tournent en boucle, à des années lumières de ce que le groupe peut composer d’habitude mais d’une beauté incroyable, qui n’est pas sans rappeler le thème de The X-Files (composé par Mark Snow). Un morceau d’ouverture qui sert également d’intro pour la tournée First Love

La bande va encore plus loin sur l’atypique « nihilist blues », clairement à part puisqu’entièrement EDM (electro dance music – fan de Snap!, Oli cherchait depuis un moment comment intégrer cette influence dans BMTH), et composé en collaboration avec la chanteuse Grimes, qui chante sur le morceau. Un titre certes dansant mais aussi mystique, qui peut vous faire bouger autant que réfléchir, et qui peut accompagner vos états d’esprits sombres : on reste dans des ambiances froides et le texte est fidèle à ce qu’on peut attendre de BMTH : « I’m a spirit in a tomb […] Paradise is in my soul, and I’m terrified I can’t get out ». Pas vraiment ce qu’on entendrait à la radio pour le même genre de musique, témoignant, outre du fait que le groupe soit à l’aise avec tous les styles, qu’il y appose sa touche, qu’il le fait à sa façon, et ça c’est important. 

Pour ses meilleurs nouveaux morceaux, amo choisit de mélanger le rock à l’electro, comme sur « in the dark », un titre relativement pop (qui peut même faire penser à "Cry Me A River" de Justin Timberlake) mais aux instruments rock (avec quand même des guitares assez heavy pour le genre, testament de leur héritage metal) et un synthé chancelant à la Joy Division (avec un sample féminin scandant le titre de la chanson dans le refrain). Au niveau des paroles, l’ambiance est bien plus lourde que la musique, puisqu’Oli y parle de son divorce et de la trahison de sa femme : « Alors ne jure pas devant Dieu, il ne te l’a jamais demandé, Ce n’est pas son cÅ“ur dans lequel tu as planté un couteau, Ce n’est pas son monde que tu as mis sans dessus-dessous, Pas ses larmes qui continuent de couler, Jesus Christ tu es si froide, Ne vois-tu pas que tu as perdu le contrôle ? ». Pour rentrer un peu dans leur intimité, il faut savoir qu’Oli aussi avait trompé sa femme avec des strip-teaseuses, ce qui lui a fait (à elle) perdre la tête. Dépendante aux substances, elle est tombée sous l’emprise d’un certain « Guy Le Tatooer » qui a profité de sa faiblesse et l’a harcelée durant des mois. Quand Oli l’a découvert, il ne l’a pas quittée et a tenté de l’aider à s’en sortir. Recouverte de la tête aux pieds des tatouages de son amant, il n’a finalement pas pu lui pardonner son tatouage sur les lèvres (lesquelles, on ne sait pas, mais vous, vous savez tout). En plus d’être une des chansons les plus réussies, avec un refrain qui vous reste dans la tête, le final nous offrira une jolie envolée de chant. 

Le même thème est également abordé dans l’interlude « ouch », un titre chillwave dont la profondeur pourrait nous échapper avec une écoute distraite, mais qui fait pourtant référence aux paroles du single « Follow You », où Oli, à la manière d’un Matt Skiba sur « Stupid Kid », revient sur ce qu’il avait dit : « J’ai toujours sur que ça allait se terminer dans des larmes, Je ne pensais pas que tes poignets en garderaient un souvenir, Et je pensais avoir tout entendu, Jusqu’à ce que j’entende ton amant hurler au téléphone, Je sais que j’ai dit que j’étais sous ton charme, mais ce sort est d’un autre niveau, Et je sais que j’ai dit que tu pouvais me traîner en enfer, Mais j’espérais que tu ne baises pas avec le Diable ». A noter que le texte provient d’une autre chanson avortée, et au vu de la mélodie réussie, on reste curieux d’écouter ce qu’il aurait donné avec une instrumentation rock. Ça aurait aussi pu être une sacré réussite. 

On adore « heavy metal », un titre electro-rock avec un beat massif, qui leur a inspiré la collaboration avec le beatboxer Rahzel, véritable note d’intention pour leur nouvelle direction, inspiré d’une anecdote réelle ; un gamin avec un débardeur du groupe The Black Dahlia Murder a commenté sur Instagram : « J’étais fan mais cette merde ce n’est pas du heavy metal », et ce sera exactement les paroles d’un refrain super catchy ! Bonus : le groupe trolle complètement en revenant pendant une dizaine de secondes au son deathcore de ses débuts pour terminer le morceau. Dans le même genre d’electro-rock’n roll au son heavy et limite punk-rock, on trouve « sugar honey ice & tea », qui promet de révéler tout son potentiel en live.

Toujours avec cette volonté de variété, le groupe s’essaie au trap sur « why you gonna kick me when I’m down », qui présente pour la 1ère fois le rap d’Oli, et une ambiance pesante avec un refrain synthé/violon qui rappelle la BO de Kick-Ass. Le morceau s’adresse aux fans toxiques du groupe qui jugent et commentent leur vie privée, et se montre particulièrement intense et poignant quand le chant s’énerve « Remember this line that you crossed, Look back and stare at the dot, Know there’s no way to fix us (No), Oh, God, what the fuck have you done?, I loved you like daughters, I loved you like sons ». Pour l’anecdote, la chorale d’enfant présente sur le refrain est issue de la ville natale du claviériste Jordan Fish

On s’attarde vite fait sur l’autre interlude electro chillwave « fresh bruises », (« Don’t you try to fuck with me, Don’t you hide your love »), pour finir avec le dernier morceau, la magnifique pièce « i don’t know what to say », là encore lourde de sens. Le texte a d’abord été écrit comme un poème à la mémoire d’un de leurs meilleurs amis décédé, avant d’être mis en musique. Débutant sur une guitare acoustique, Oli y parle de la volonté de combattre de son ami mais aussi de ses regrets quand il n’a pas su trouver les mots : « I saw the universe hidden in your heart, Wish I told you this before it got too dark, Where do you start when you know it has to end? ». L’electro se met ici vraiment au service de la chanson, renforçant la puissance des émotions (violons entraînants, ambiances glauques), avant de nous offrir un final explosif avec un excellent solo de guitare (qu’on imagine) de Lee Malia. C’est là qu’on se dit que, dans un style tout à fait différent, ils peuvent nous retranscrire les émotions ressenties autrefois à l’écoute d’un morceau comme « Suicide Season ».

Effectivement, amo est un disque qui nécessite plusieurs écoutes, et pourquoi pas de lire ou comprendre les textes pour s’en imprégner entièrement (ce à quoi on espère avoir aidé avec cette chronique). La surprise, accompagnée d’une légère déception, est presque obligatoire lorsqu’on découvre le disque pour la première fois. Pourtant, l’identité du groupe est toujours intacte. Ils pourraient bien faire n’importe quel style de musique, tant qu’ils le font avec talent et sincérité. Tant qu’ils garderont ce côté « heavy » dont ils parlent, que ce soit dans les textes très personnels ou le son des guitares. Ça reste du BMTH. D’ailleurs, qui se souvient encore avoir été très surpris à la première écoute du single « Drown » il y a 4 ans ? Ce titre, osé à l’époque, est désormais complètement assimilé et fait partie du répertoire classique du groupe. 

Si BMTH a survécu et est devenu aussi énorme médiatiquement parlant, c’est pour cette capacité à se renouveler sans cesse et aller là où on ne l’attend pas. On a passé une année à se demander comment aller bien pouvoir sonner ce nouveau disque, et ce fut la même chose à chaque sortie depuis plusieurs albums. C’est ce qui maintient ce groupe et sa fanbase en vie. La formation sait comment créer l’excitation et il y a fort à parier qu’un Sempiternal ou That’s The Spirit bis n’aurait certainement pas eu le même impact aujourd’hui, quoi qu’on en dise. Des déçus, il y en aura toujours, il y en a eu à chaque album (vous vous souvenez des réactions sur « Can You Feel My Heart ? »), pourtant le groupe n’a eu de cesse d’aiguiser son songwriting et d’élargir son audience. On peut critiquer cet album autant qu’on veut, une fois passée la question des goûts personnels, la vérité c’est qu’il possède plus d’âme et de profondeur que bien des albums de metal que les fans adoubent pourtant les yeux fermés. 

A la manière d’un twenty one pilots, Bring Me The Horizon nous livre un album unique en son genre, varié et courageux, à la croisée de son héritage rock et de ses influences pop et electro (synthwave, chillwave, trap, …), et sur lequel on a envie de revenir sans cesse ! Le tout sans trahir ce pour quoi on les aimait à la base, un tour de force. 

Note du rédacteur : 4/5 

Un deuxième avis par Void : Nous connaissions déjà quelques titres comme « Mantra » et « Wonderful Life » , avec une structure orientée plutôt rock à la That’s the Spirit (on y retrouve même quelques screams à la Oli d’aujourd’hui), mais c’est avec « mother tongue » que la fanbase a commencé à se poser de réelles questions sur l’orientation de ce nouvel album, amo. Pourtant, après le morceau « Follow you » (objectivement très réussi soit dis en passant) plus pop qu’autre chose sur l’album précédent, des morceaux comme « In the Dark » ne pouvaient pas en étonner plus d’un. C’est pourtant aujourd’hui le cas. La question que je me pose aujourd’hui est la suivante : jusqu’où les auditeurs peuvent jouer la carte de la stupéfaction alors que la suite logique de Bring Me The Horizon était déjà écrite ? En parallèle, je me pose aussi une seconde question : jusqu’où BMTH évoluera-t-il dans ses sonorités sans trahir les racines de son nom de groupe ? Que l’on se l’avoue à demi mot, des titres comme « Nihilist blues », « Why you gotta kick me when I’m down », ou encore « Fresh bruises », n’ont RIEN à faire sur l’album d’un groupe où les mots BRING.ME.THE.HORIZON. figurent. Pour autant… personnellement, j’ai adoré ces morceaux. Si les instruments signent de moins en moins leur apparition, les nappes électroniques et ambient donnent une toute nouvelle dimension à l’univers BMTH actuel, où sensibilité et sincérité s’entremêlent au fil des morceaux. Le titre le plus trollesque de l’album à mon sens restant tout de même « Heavy Metal » et son featuring hip-hop, il suffira de morceaux comme « Sugar Honey Ice & Tea » pour remettre tout le monde d’accord avec des riffs efficaces et un groove que ne renierait pas certains pontes du rock britannique aujourd’hui. Et puisque BMTH a fait un détour par le Royal Albert pour un concert symphonique, il était logique pour eux de terminer amo par « I don’t know what to say » et ses orchestrations du plus bel effet. Que l’on ait préféré la soupe deathcore de leurs débuts, le quasi parfait Sempiternal ou bien l’équilibre avant après de That’s the Spirit, il faut reconnaître que amo est un très bel album signé Oli (parfois même trop… la sensation que amo demeure l’album solo de son chanteur résonne très fort selon les titres). Plus pop que rock, et surtout résolument pas metal malgré un morceau composé pour les Limp Bizkit sur lequel on y retrouve un Dani Filth discret mais en forme, amo est une petite merveille à mettre au même titre que One More Light des Linkin Park. Nul doute que si Oli était amené à… demain, les fans crieraient que amo est leur plus bel album. Personnellement, je le dis aujourd’hui : si pour vous, Bring Me The Horizon n’a pas à sonner metal pour bien sonner, alors je ne peux que vous conseiller de jeter une oreille à cet album. Si pour autant, le Bring Me époque Count Your Blessings a perdu son identité depuis Sempiternal, alors vous pouvez passer à côté de amo. Tout comme vous êtes passés à côté de nombre de p*tains d’albums parce qu’ils ne sonnaient pas metal.

1. i apologise if you feel something
2. MANTRA
3. nihilist blues (feat. Grimes)
4. in the dark
5. wonderful life (feat. Dani Filth)
6. ouch
7. medicine
8. sugar honey ice & tea
9. why you gotta kick me when i’m down?
10. fresh bruises
11. mother tongue
12. heavy metal (feat. Rahzel)
13. i don’t know what to say

Streaming complet ici.

On termine cette chronique par un message du chanteur Oli Sykes :


J’apprécie combien cet album divise les foules. Ça n’a pas été le cas depuis qu’on a sorti Suicide Season. Beaucoup de kids étaient prêts à chier dessus… parce que c’était quelque chose de très différent de la scène dans laquelle on était…
Je soutiens et encourage à 100% les véritables opinions des gens et si vous êtes quelqu’un qui n’aime que le metal et le hardcore sans exceptions, vous êtes bien dans votre droit de le détester 🙂
Mais si vous êtes ouverts à plus… Tout ce que je dis c’est que si vous jugez ce disque après 1 écoute, peut-être accordez-lui 2 de plus. Je suis assez confiant avec le fait que vous vous surprendrez vous-mêmes…
Mais c’est aussi très excitant de faire un disque qui fait ressentir tant de choses aux gens… ça semble tellement Bring Me The Horizon à nouveau. Merci pour ça.
Et si vous aimez le disque, s’il-vous-plait, streamez-le en boucle, genre 24/7 🙂

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