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Chronique : Architects – Holy Hell


Le 21 août 2016, Tom Searle, le guitariste d’Architects, et le frère du batteur Dan Searle, s’éteignait après 3 ans de lutte contre le cancer. Le groupe perdait alors son principal compositeur, qui savait s’occuper autant des instruments que des textes. L’histoire aurait peut-être pu s’arrêter là, le chanteur, Sam Carter, déclarant lors de la dernière date de la tournée européenne à la Brixton Academy de Londres que c’était peut-être « la dernière fois qu’il faisait ça ». 

C’est alors que Josh Middleton, le guitariste du groupe Sylosis et musicien de tournée pour Architects, a envoyé des démos à Dan, que les deux ont travaillées ensemble. Un processus d’écriture qui leur a donné confiance en l’avenir du groupe. Au moment où la bande choisit « Doomsday » comme single en septembre 2017, un titre dont le riff principal avait été composé par Tom Searle durant les sessions d’écriture de l’album précédent, elle a déjà composé 5 autres chansons. Cependant, Dan (le principal auteur des textes du nouvel album) a précisé dans une interview qu’il ne voulait pas dévoiler quels morceaux étaient dérivés du travail de Tom : « Nous ne voulons pas le dire parce que nous ne voulons pas que les perspectives des chansons changent en ayant cette information ».



Ainsi naquit Holy Hell, le 8ème album studio du groupe, qui s’imposait alors comme une nécessité : « Holy Hell parle de douleur : la façon dont nous y faisons face, la façon dont nous la traitons, et la façon dont nous vivons avec. […] Il y a de la valeur dans la douleur. C’est là qu’on apprend, c’est là qu’on grandit. » Dan s’inspire de la façon d’écrire de son frère, de la religion et en particulier de la juxtaposition des métaphores « le paradis et l’enfer » et « les anges et les démons ».

Musicalement parlant, après des débuts tout ce qu’il a de plus metalcore, avec des influences à la Norma Jean ou The Chariot, et l’explosion avec l’album Hollow Crown (2009), Architects, peut-être inspirés par leur potes de Bring Me The Horizon, se sont jetés à corps perdus dans un album ultra mélodique, The Here and Now, en 2011. Un changement d’orientation bien trop radical et soudain, qui aura déconcerté la fanbase au point que le groupe doive proposer en urgence une nouvelle formule dès l’année suivante avec Daybreaker, qui mêlera habilement le côté metalcore tout en gardant certains aspects de son expérience mélodique. Mais depuis Daybreaker, et si le groupe durcit sensiblement le ton à nouveau d’album en album, il peine à clairement se réinventer.




C’est ce que l’on pouvait souhaiter de plus fort avec ce nouveau disque, et que l’on entrevoyait déjà un peu avec le single « Hereafter » qui s’ouvre sur le chant clair de Sam Carter, avant de nous plonger, avec rage, dans le deuil auquel ils ont du faire face : « Je n’étais pas prêt pour l’enlèvement, on ne fait que passer, mais ces mots ils ne signifient rien pour moi. Je sais que le temps guérira cette fracture, je me suis perdu dans un labyrinthe, et chaque route que je prends me ramène droit vers toi. » Une petite tuerie déjà extrêmement accrocheuse.

Et si « Doomsday » allait déjà dans ce sens avec un côté mélodique prononcé et une émotion à fleur de peau, c’est « Royal Beggars » qui nous aura le plus surpris, toujours très lourd instrumentalement mais aussi très émotionnel dans ses couplets, chantés sur fond de synthé pour un rendu presque pop.



Holy Hell est clairement un album destiné – volontairement ou pas – à nous donner des frissons. Mais pas forcément de la façon la plus facile qui soit, car le groupe ne jouera pas la carte de la surenchère de l’émotion (quelque chose que je reprochais un peu à l’époque de la sortie du Nightmare d’Avenged Sevenfold, qui avait carrément viré acoustique pour le coup – avec le recul je trouve cet album fabuleux), du moins dans sa façon de jouer, et fera finalement ce qu’il sait faire de mieux, du metalcore.

Les passages chantés resteront relativement rares, et – même si parfois on souhaiterait en entendre d’avantage – vous savez ce qu’on dit, ce qui est rare est précieux. Ainsi le court passage chanté sur le pont de « Death Is Not Defeat », la piste d’introduction accompagnée de violons (instrument qui reviendra ci et là), est probablement l’un des plus beaux que Sam ai jamais chanté (« Dans la mort nous remboursons le temps passé sur cette scène »), avant de nous dessiner, hurlant, un magnifique tableau de l’au-delà : « Maintenant tu es finalement complet. Je te reverrais là où les océans se rencontrent. Là où le passé et le présent se mélangent, là où la lumière et les ténèbres convergent. Le temps renversera notre règne sur ce trône. Le sommeil éternel retournant par le voile, bien au-delà des profondeurs, une autre âme met les voiles. »



On constate bien vite que si cet album ne révolutionnera rien, il est celui qui peaufinera la formule Daybreaker à son paroxysme. C’est simple, il n’y a pas un morceau à jeter, et là où, sur les deux disques précédents, un certain ennui pouvait s’installer, il n’en est ici rien, constamment réveillés que nous sommes par des passages retenant notre attention, comme -outre le côté catchy de l’ensemble – les couplets ultra écorchés mais pourtant mélodiques de « Holy Hell » et son breakdown de folie sur le pont, ou encore les guitares hurlantes telles des sirènes durant les breaks de « Mortal After All » !

« The Seventh Circle » est le titre le plus original sur le disque, et, visiblement, pourtant celui qui met tout le monde d’accord. Une minute quarante-neuf de bourrinage intensif tel qu’on en avait plus entendu depuis Hollow Crown. Et elle ne lasse pas : pas le temps de caser un refrain chanté ou de changer la mélodie, on savoure simplement ces quelques secondes de pure rage.

L’album se clôturera sur le très bon et émouvant « A Wasted Hymn », qui tente de se raccrocher à un peu de lumière à la sortie de ce long tunnel, « La vie a un prix, mais tout n’est pas perdu », avant d’atteindre finalement la sérénité (en chant clair) :

Can you feel the empty space?
Can you feel the fire at the gates?
Can you live a life worth dying for?

Holy Hell est probablement le meilleur album du groupe en ce qui concerne toute l’ère post-The Here and Now. Il sublime la formule débutée il y a 3 disques déjà avec Tom, mais cette fois sans son principal compositeur, et en ça il reste un tour de force. D’une incroyable beauté et d’une efficacité redoutable, Architects est ici au sommet de son art. Maintenant, il leur reste à nous montrer que cet album n’est que le début d’une nouvelle ère (avec une véritable évolution à la clé ?), et pas juste l’héritage d’un style, auquel ils rendent le plus beau des hommages, mais dont ils ne savent plus se défaire. 

Note du rédacteur : 4/5

(4,5/5 pour les plus gros fans qui ne ressentent toujours aucune lassitude ou qui ont découvert sur le tard)

01. Death Is Not Defeat
02. Hereafter
03. Mortal After All
04. Holy Hell
05. Damnation
06. Royal Beggars
07. Modern Misery
08. Dying To Heal
09. The Seventh Circle
10. Doomsday
11. A Wasted Hymn

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