Chronique : The Devil Wears Prada - The Act
S'il y a bien une chose qu'on ne pourra pas reprocher à The Devil Wears Prada, c'est de se reposer sur leurs lauriers. Bien que moqués par certains à leurs débuts, le groupe a pourtant rencontré le succès tôt, les plaçant très jeunes au sommet de la scène hardcore/christian-core aux côtés de grands noms du genre et une renommée internationale avec seulement deux disques à leur actif.
Et pourtant, ce succès ne leur est clairement pas monté à la tête puisque le groupe s'est donné un point d'honneur à évoluer et se réinventer sur chaque album sans se reposer sur ses acquis. Et contrairement à certains groupes comme Bring Me The Horizon qui ont préféré opter pour un changement de style absolu (et c'est n'est pas un reproche), The Devil Wears Prada, eux, ont su trouver le juste équilibre entre s'aventurer vers des terrains inconnus tout en gardant la recette originale de leur identité.
Et si notre cœur d'emo kid du début des années 2000 ne pensait pas pouvoir se remettre de la claque qu'on s'était prise avec Plague ou With Roots Above And Branches Below, le groupe gagnera énormément en maturité sur l'impitoyable Dead Throne ou le très sombre 8:18, deux albums plus sérieux, théâtraux, mais toujours plus violents. Mais c'est en 2017 que le groupe commencera à vraiment s'orienter vers un style beaucoup plus mélodique et atmosphérique avec Transit Blues. Un exercice très réussi mais qui aura déplu à d'autres, laissant l'album avec des ventes injustement basses malgré des critiques élogieuses et un nouveau public conquis. On pourrait croire que cela aurait forcé le groupe à faire machine arrière et retourner aux racines de ce qui a fait leurs succès. Ainsi arrive The Act.
Et pourtant, ce qui frappe en premier sur ce disque c'est la facilité avec laquelle le groupe arrive à nous pondre de véritables hits. "Lines of Your Hands", qui fut présenté comme premier single, a tous les atouts d'un titre qui pourrait devenir l'un des meilleurs du groupe. Pour la première fois TDWP s'attaque une sonorité plus punk, un morceau plein d'énergie et d'émotion mais dénué de violence malgré les couplets hurlés de Mike Hranica, le tout sublimé par un refrain chanté imparable et qui restera à coup sûr en tête. "Wave Of Youth" ne démérite pas ; un riff rock sans être heavy, couplets partagés entre chant clair et hurlés sur un refrain accrocheur et accessible, on pourrait facilement le soupçonné d'être un futur single.
Si le groupe s'en sort très bien pour nous servir des titres catchy et pêchus, la mélodie n'est pas négligée pour autant. "Chemical", un morceau calme et très en retrait, uniquement porté par le chanteur voix claire Jeremy DePoyster. Des paroles sincères sur le thème de la dépression et une mélodie qui laisse difficilement de marbre, laissant planer une émotion constante. Tandis que "Please Say No" et son univers inquiétant n'est pas sans rappeler ce que le groupe avait commencé sur Transit Blues, surtout avec ce spoken word à mi-chemin avec le scream. Ce style particulier de spoken word va d'ailleurs beaucoup se répéter sur The Act. "Numb" ou l'excellent "as kids" offrent un parfait mélange d'émotions et les parties plus grinçante et screamé ne font qu'apporter plus de relief aux titres.
Toute cette progression pourrait en déplaire à certains, mais le groupe n'oublie pas d'où il vient et sait en tant voulu faire plaisir aux fans de la première heure. L'album s'ouvre avec violence comme souvent chez TDWP, avec "Switchblades". On lui reprochera peut être un petit côté brouillon mais en somme une excellente façon d'ouvrir le disque. "The Thread" sonne comme une chanson digne de Dead Throne, on y retrouve la signature classique de TDWP avec les hurlements bestiaux de son frontman se posant merveilleusement sur cette structure musicale lourde et imposante. Et même si le morceau n'échappe pas aux nouvelles sonorités du groupe à mi-chemin, il ne fait aucun doute que le grand final et son breakdown crasseux et ravageur mettra tout le monde d'accord. On en dira autant de "Spiderhead", qui conclut l'album sur une note heavy qui mettra à rude épreuve nos cervicales. Un morceau énervé et incisif qui, une fois encore, ne manquera pas de nous rappeler les débuts bourrins du groupe malgré des nouveaux éléments de maturité frappante.
The Act ne mettra peut-être pas tout le monde d'accord, mais c'est avec certitude l'album le plus varié du groupe, où chaque fan pourra y trouver son compte quelque part. On notera tout de même en point négatif un léger sentiment de répétition en fin de course. Des morceaux tel que "Isn't It Strange?", "Diamond Lost", ou "Even Though", bien qu'irréprochables sur le plan technique, ont tendance à passer un peu à travers le reste et s'avérer un peu moins percutants sur le long terme.
Vous l'aurez compris, The Act n'a pas grand chose à voir avec le gros retour en arrière qu'on aurait pu prédire par son artwork ou les petites ventes du précédent disque, on pourrait dire que c'est au contraire une suite logique à Transit Blues, et c'est au final une très bonne chose. Le groupe confirme sa soif de renouvellement sans pour autant oublier complètement qu'ils reste aussi un groupe influent de la scène hardcore. Passant très aisément d'un morceau brutal et primitif pour notre plus grand plaisir à quelques choses de nettement plus mélodique, sortant gagnant des deux catégories
Quoi qu'on en dise, The Devil Wears Prada n'a plus grand chose à prouver. Après 15 ans d'activité ils arrivent encore à provoquer la surprise et l'anticipation. Bien qu'ils aient influencé un nombre incalculable de groupes au fil des années, qui auront tous disparus aussi vite qu'ils sont arrivés, la bande de Chicago peut être fière d'être toujours là et de se hisser très haut parmi le peu de groupes qui auront fait les beaux jours de Rise Records, sans jamais sombrer dans l'oubli plus d'une décennie plus tard. Tant d'efforts qui ne font que se confirmer sur The Act.
4/5
01. Switchblade
02. Lines Of Your Hands
03. Chemical
04. Wave Of Youth
05. Please Say No
06. The Thread
07. Numb
08. Isn't It Strange?
09. Diamond Lost
10. As Kids
11. Even Though
12. Spiderhead
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