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Chronique : Thirty Seconds To Mars – AMERICA


Cinq ans après le déjà très décevant Love, Lust, Faith and Dreams, Thirty Seconds To Mars, qui a techniquement commencé à travailler sur cet album juste après sa dernière grande tournée, c'est à dire il y a 3 ans, nous livre son 5ème effort, AMERICA. Rien qu'à voir le récent look de diva de Jared Leto (chant/guitare), et son statut de véritable célébrité people, nous savions tous, au moins inconsciemment, que le groupe de rock qu'on avait connu était en danger.

Deux premiers singles sont venus annoncer la couleur, mais sans pour autant nous préparer au pire. « Walk On Water » et « Dangerous Night » nous avertissaient pourtant, avec le retrait progressif de tous les instruments rock ou analogiques, la batterie en grande partie remplacée par une boite à rythme, mais on pouvait encore imaginer que le premier morceau était une exception, d'autant que la guitare se faisait encore entendre timidement sur le second (« Dangerous Night »). Surtout, nous étions sous le charme des mélodies et des refrains de ces deux singles, tellement efficaces (cela n'a jamais été un problème pour le groupe) qu'ils ont un peu occulté tout le reste, jusqu'à nos inquiétudes. Car il faut bien reconnaître que sur le disque d'avant, on s'ennuyait tellement que ces deux morceaux avaient malgré tout quelque chose de salvateur (bien qu'en les comparant à des titres comme « Conquistador » ils font quand même pâle figure).



Pour autant qu'on sache, le groupe s'était déjà essayé à l'electro avec des titres qui lorgnaient vers une cold-wave des plus intéressantes, on pense notamment à « Stranger in a Strange Land » sur This Is War (2009), mais ceux-ci étaient minoritaires, voire exceptionnels. Il y a quand même des choses intéressantes à ce niveau comme la ballade (inutile de le préciser en fait car tous les morceaux sont plus ou moins des ballades) « Love is Madness », en duo avec la chanteuse Halsey, avec les deux voix qui s'alternent en permanence, régulièrement parsemée de notes de synthé lourdes et violentes, apportant une dimension cinématographique, mélangeant sentiments à fleur de peau et violence assourdissante. « Hail to the Victor » est aussi une belle réussite, un morceau au chant poignant - dont on regrette juste la disparition du piano de l'intro au profit d'un synthé - avec un refrain purement electro mais vraiment kiffant, toujours dans ces ambiances froides/sirènes retentissantes. « Dawn Will Rise » est une autre ballade très calme, simplement accompagnée d'une boite à rythme, qui se termine avec de jolies expérimentations electro pas trop commerciales, le genre de son qui va plus te faire sentir seul au monde (sur un iceberg au Pôle Nord) que te donner envie de danser.
 

Les bonnes idées sont pourtant vite noyées sous un déluge de facilité. S'il y a par exemple une véritable émotion dans la ballade « Rescue Me » (le chant fait penser à celui de la période A Beautiful Lie/This Is War), ce titre aurait du être composé avec des guitares, ou simplement de façon acoustique, pour ne pas que celle-ci (l'émotion) soit appauvrie de la sorte, tombant à l'eau à cause d'une surproduction et de gimmicks R&B insupportables. Même chose pour « One Track Mind », assez planant et ambient pour flirter avec le post-rock, mais la voix autotunée de Jared nous en extirpe pourtant, et l'intervention de A$AP Rocky finit de le transformer en morceau pop radiophonique (y'a quand même un solo de guitare, au son électroniquement totalement déformé, sur la fin).

C'est finalement sur la fin que l'on entendra le plus de guitare. A commencer par « Remedy », un morceau entièrement acoustique avec une simple guitare, épuré et entièrement chanté par Shannon (batterie) pour un dépaysement garanti. Pas pour rien que la plupart des fans s'entendent à le considérer comme le meilleur morceau de l'album, pas moins ! « Live Like a Dream » est également un titre un peu plus rock que les autres, avec un côté space-rock à la Angels and Airwaves, tout comme « Great Wide Open » avec sa guitare AVA/U2 en fond (et une véritable batterie, une fois n'est pas coutume sur le disque). Relativisons cependant : si on est contents d'enfin entendre ces morceaux, sur un album précédent, ils auraient été relégués au rang de simples « morceaux passables voire chiants ».

Le final « Rider » ressort un peu la guitare acoustique, avant que l'electro ne reprenne ses droits pour un final en gros melting pot avec un synthé épique/cinématographique avec encore une fois une vraie batterie (putain, depuis quand on a besoin de préciser ça dans une chronique ?).

Depuis son premier album, Thirty Seconds To Mars n'a eu de cesse de sortir un successeur toujours un peu moins bon que le précédent, et AMERICA ne déroge pas à la règle... sauf que le dernier n'était déjà pas terrible. Pourtant, en soit la structure de ces nouvelles chansons n'est pas dégueulasse (composées basiquement sur une guitare acoustique en première intention), le chant, quand il n'est pas déformé, gère toujours avec des textes intéressants, et le synthé, quand il s'apparente à de la cold-wave, propose des ambiances géniales, mais le choix (en partie commercial) d'abandonner les instruments rock, de surproduire plus que de raison avec des gimmicks en provenance de ce que les radios ont fait de pire, et, je n'en ai pas parlé avant mais il faut absolument en parler, de foutre des chœurs en oh oh oh de PARTOUT, tire inévitablement le tout vers le bas. Sans parler du fait qu'il s'agisse finalement d'un disque de ballades, on a mal quand on pense au passé de la formation. Ceux qui aiment les trois premiers albums du groupe fuiront ce nouveau disque comme la peste, ceux qui adorent la soupe qui passe à la radio y trouveront peut-être leur compte (et il y en a, voir les commentaires sur les réseaux sociaux du groupe). Le talent des musiciens, qui n'est plus à prouver, ne réussit néanmoins plus à les sauver de leurs choix douteux et fait d'AMERICA un album majoritairement raté doublé d'une grosse déception.

Note du rédacteur : 2/5


1. Walk On Water
2. Dangerous Night
3. Rescue Me
4. One Track Mind (feat. A$AP Rocky)
5. Monolith
6. Love is Madness (feat. Halsey)
7. Great Wide Open
8. Hail to the Victor
9. Dawn Will Rise
10. Remedy
11. Live Like a Dream
12. Rider

A défaut de cautionner la nouvelle orientation du groupe, il me semble indispensable de lire cet extrait d'une interview publiée en français sur Pure Charts en février dernier, dans laquelle Jared explique pourquoi il ne veut plus de guitares :

Des extraits que j'ai pu entendre, le disque s'inscrira dans la lignée du virage pop entrepris depuis "This Is War" (2010). Vous comprenez les fans qui disent regretter le côté rock et metal de vos débuts ?

Jared : Je crois que c'est une critique tout à fait vraie et légitime. ''Walk on Water'' n'est pas ''Conquistador". Pourquoi aurait-on envie de réécrire "Battle of One", "The Fantasy" ou "Buddha for Mary" une deuxième fois ? Ces chansons sont magnifiques pour ce qu'elles sont. Elles font partie de notre histoire et si vous voulez entendre pareil, vous pouvez les réécouter. Mais nous n'avons jamais été un groupe qui se répète. Si les gens ne veulent plus écouter notre musique, ce n'est pas grave. Ce qui nous intéresse, c'est de se donner des défis et avancer en regardant vers le futur. On essaie d'être aussi inventif et créatif que possible. Je crois qu'il est nécessaire pour un groupe de chanter et continuer d'évoluer. C'est excitant d'ouvrir de nouvelles perspectives ! De toute façon, je n'aime pas trop le mot "pop" car il est trop large...

Il n'y a plus de place pour le rock aujourd'hui ?

Jared : C'est vrai, la guitare est plus un outil aujourd'hui mais personnellement j'ai des raisons personnelles pour ne plus vouloir autant de guitares dans notre musique. C'est une question technique : le son de la guitare à l'ère numérique est vraiment rêche et rugueux. Avant on enregistrait ça sur cassettes, avec des instruments analogiques... Aujourd'hui tout est si bruyant, ça n'a plus le même impact. Je trouve que l'impact vient de la basse. Notamment dans le hip-hop, qui est sans doute le genre le plus rock'n'roll de nos jours ! Si tu laisses le choix à un jeune entre une chanson rock et un titre de Kendrick, il ira vers le titre de Kendrick car il est plus impactant, plus clair, plus direct. Quoi qu'il en soit, on sera toujours Thirty Seconds to Mars. Sur scène, on peut jouer "Walk on Water" puis enchaîner avec "The Kill" et ça sera toujours le même groupe. D'ailleurs, certaines personnes qui aiment "Walk on Water" n'écouteraient sans doute jamais "Buddha For Mary" ! Quand tu es en studio, tu dois suivre ton instinct.

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