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The Offspring : comment Smash a changé le punk rock pour toujours


En février 1994, Brett Gurewitz rentrait chez lui à Studio City, en Californie, dans sa Volvo de 1984, en écoutant le mix final de Smash, le 3ème album de The Offspring sur le point de sortir. Avec le volume aussi fort que possible, il a fait "peut-être 20 fois" le tour du quartier dans le but d'écouter la musique "encore et encore et encore et encore ». Quand il s'arrêta enfin, il rentra chez lui et salua sa femme en lui disant "Chérie, tout va être différent maintenant ».

A l'époque comme aujourd'hui, Breet Gurewitz était le patron d'Epitaph Records, le label punk rock sur lequel The Offspring était signé. La sortie de Smash le 8 avril 1994 a vu la fortune de l'entreprise (sans parler de celle du groupe) changer de manière radicale. Auparavant, le quartet d'Orange County avait écoulé dans la région 30 000 copies d'Ignition, leur impressionnant second album. L'artiste le plus populaire du label, Bad Religion, dans lequel Brett jouait de la basse, avait peut-être écoulé des centaines de milliers de disques, mais il voyait toujours les 50 000 copies de Smash dignes d'être honorés avec une petite fête. En fait, Brett voyait un tel nombre comme "le disque d'or du punk". La raison : "Parce qu'on ne pouvait pas avoir un vrai disque d'or !".

L'Histoire lui a prouvé le contraire. Fin 1994, Smash était devenu le 9ème meilleur album vendu de tous les Etats-Unis, et également, ahem, du monde entier. Propulsé par le 1er single, "Come Out And Play", l'album, accompagné par le Dookie de Green Day, a mené le punk rock américain à un niveau mainstream pour la 1ère fois en 18 ans d'existence. La différence entre les deux artistes cependant, était que contrairement à Green Day, qui était sur Warner Bros, The Offspring a atteint ce succès sur un petit label indépendant.


Les demandes pour l'album explosant, Brett a réhypothéqué sa maison pour payer le pressage de copies supplémentaires. Une fois l'été arrivé, des palettes entières d'albums étaient stockées sur le trottoir devant le quartier général d'Epitaph à Santa Monica Boulevard à West Hollywod, ainsi que dans des espaces loués à l'arrache un peu partout en ville. Les ventes étaient tellement impressionnantes que Sony Music a offert à Brett un chèque à 8 chiffres pour détenir 49% de son entreprise, une approche qu'il a décliné.

Avec plus de 10 millions de ventes, Smash demeure l'album rock sur un label indépendant le mieux vendu de tous les temps. Mieux encore, il reste l'un des plus grands albums de punk rock.
A l'occasion des 25 ans de l'album, Kerrang! a offert l'opportunité à la bande de revenir sur ses souvenirs dans une longue interview dans son nouveau numéro, en voici la traduction :

Dexter Holland (The Offspring, chant/guitare) : Avant Smash il y a beaucoup de choses qui se sont produites qui semblaient arbitraires à l'époque, mais qui ont fini par faire une énorme différence. Se procurer un meilleur équipement était l'une d'entre-elles. Le matériel qu'on avait était indigne de professionnels. On n'était pas capables de faire un disque qui sonne assez bien pour être considéré par ceux qui dirigent les radios. Ça semblait juste une bonne idée d'appeler Noodles [le guitariste] et lui dire : 'Est-ce qu'on peut utiliser un peu de l'argent du groupe et acheter un ampli à partager ?' Et c'est littéralement ce qui s'est passé - un ampli et une cabine. Et je crois que Ron [Welty, l'ancien batteur] a emprunté un peu d'argent pour une nouvelle batterie. Mais on ne se disait pas, 'On doit faire ça parce que notre futur en dépend !' C'était plutôt, 'Ça semble être une bonne idée.' En regardant en arrière ça s'est avéré extrêmement important. 

Noodles (The Offspring, guitare) : Ce n'est pas comme si on avait dépensé beaucoup d'argent pour enregistrer Smash. On ne pouvait même pas payer une chambre d'hôtel à notre producteur [Thom Wilson]. Il a du dormir dans un camping-car pendant tout le temps où on a fait l'album !

Jim Lindberg (Pennywise, chant) : J'ai entendu Smash pour la 1ère fois quand Offspring a ouvert pour nous sur la tournée, juste avant que l'album ne sorte. J'avais l'impression que l'album allait être énorme. Je pouvais dire qu'il y avait quelque chose de tellement catchy et parfait pour la radio. 
Noodles : Je n'écoute jamais les chansons d'Offspring à moins de les jouer avec eux !

Dexter : La vraie mesure de là où en était les groupes punk c'était Bad Religion, qui étaient les rois d'Epitaph. Et ils avaient vendus 100 000 disques. Ça semblait être la limite ; c'était plus loin que quiconque au monde pouvait aller. Une centaine de milliers. Alors c'était le mieux que je pensais qu'on pouvait faire. 



Brett Gurewitz (Epitaph) : Je n'arrivais pas à croire combien les chansons étaient géniales, ou combien elles sonnaient énormes... On a envoyé Come Out And Play à KROQ et ils ont littéralement appelé mon bureau pour dire, 'On mets ça en rotation'. Ils m'ont appelé personnellement et m'ont dit ça, et juste après tu ne pouvais plus allumer ta radio à LA sans entendre la chanson. C'était la 1ère fois que ça arrivait pour n'importe quel groupe sur Epitaph. 

Dexter : C'était vraiment surprenant que les choses évoluent si rapidement. Juste quelques années auparavant, il n'y avait pas de punk rock dans le mainstream - du tout. Et on le savait, et on avait choisi notre camp. On s'était dit, 'Bon, qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on bouge sur Sunset Boulevard pour devenir un groupe de hair metal ?' Non, parce que ce n'est pas nous… et puis soudainement on était de partout en radio, et même sur MTV. 

Noodles : Avant la sortie de Smash, on était vraiment un groupe à mi-temps. Même quand on a explosé, je n’ai même pas quitté mon boulot de suite - j’ai pris un congé de 3 ans. Je travaillais toujours là-bas quand on a explosé parce que j’avais promis à mon patron que je ne démissionnerais pas avant la fin de l’année scolaire. Il y avait cette lycéenne que je connaissais et elle avait l’habitude de me voir le matin et me disait, 'Mec, qu’est-ce tu fous ? Je viens juste de te voir sur MTV !'.

Dexter : Je me souviens que la fanfare de l'USC (University of Southern California) a commencé à jouer Come Out And Play. J'étais choqué ! J'étais sur le canapé un samedi à regarder la TV et somnolant, et j'ai eu l'impression de nous entendre pendant que la caméra faisait un fondu sur une publicité. Et je me suis dit, 'Attends ! Je n'ai jamais eu de vrai lien avec la fanfare quand j'étais à l'USC, alors je leur ai envoyé une lettre et leur ai dit, 'Hé, je suis très flatté, peut-être qu'on peut devenir amis'. Apparemment ils ont cru que c'était une blague d'une université concurrente ! Alors j'ai du les appeler et y aller et leur dire, 'Non, c'est moi ! Je pense que c'est cool. Je ne demande rien !'. 

Noodles : Il y avait beaucoup de choses qu’on ne faisait pas à l’époque. On a fait aucune apparition sur un plateau TV en soirée avant Days Go By [le dernier album de 2012] ! Avec Smash, on a refusé le Saturday Night Live, simplement parce qu’on pensait qu’on était pas assez bons. Encore une fois, je pense que c’était lié au fait qu’on était un groupe à mi-temps.



Dexter : Je me souviens avoir eu une grande discussion avec Jim [Guerinot], notre manager, et il m'a dit, 'Tu sais c'est vraiment nouveau pour vous les gars. J'ai vu la façon dont l'industrie peut vraiment détruire les gens. Regarde Kurt Cobain…' J'ai senti qu'il y avait un changement où les gens voulaient s'éloigner de toute l'exposition. Et il peut y avoir un coût personnel à tout ça. Et il m'a dit, 'Pourquoi on ne ralentit pas un peu et on voit comment ça se passe ?'. 

Noodles : On a quand même fait les Billboard Awards, qui étaient télévisés, mais ce n’était pas beaucoup regardé. Les organisateurs avaient les boules qu’on joue Bad Habit plutôt que l’un des hits, mais on s’est dit, 'On est punks. On est pas un groupe de pop. Foutons un peu le bordel'.

Dexter : On avait même envisagé de jouer Too Drunk To Fuck [des Dead Kennedys] au concert du Billboard. Au final on a joué Bad Habit. Mais on l’a joué sauvage, et à la fin j’ai sauté dans la foule. Je me souviens de l’air sur le visage des gens au premier rang, et m’être dit, 'Wow, ce ne sont pas les mêmes gens qui viennent nous voir quand on joue à Gilman Street [salle de concert punk]' !

Noodles : Je ne suis pas quelqu'un de nostalgique, mais je me souviens avoir apprécié cette année (1994], pour sûr. Il y avait beaucoup de tendances qui débutaient, et il y avait un peu de stress aussi, mais c'était une époque vraiment excitante. Je me souviens que les groupes de nos amis étaient plus remarqués, également. On tournait avec Rancid à l'époque et Madonna voulait les signer. Elle est même venue à l'un des concerts… elle a regardé Rancid et puis est partie avant nous !

Brett : En tant que punks, notre allégeance allait aux disquaires indés… et soudainement ces boutiques étaient florissantes parce qu'elles pouvaient acheter Smash, et en vendre des tonnes. Ça a aidé les boutiques indés.  Ça a aidé les fanzines et les magazines. Ça a élevé le niveau dans toute la communauté punk. Il y a des distributeurs en Europe et en Australie qui citent cette période comme celle où leur entreprise a grossi et où ils ont eu l'opportunité de s'établir. Alors ça a eu un très bon effet coup de poing. Ce sont les miens, alors je suis très fiers d'avoir joué un rôle dans tout ça. 

Dexter : Le fait qu'on l'ai fait de façon indépendante a encore plus de sens maintenant. C'est le truc dont je suis le plus fier. Le succès qu'on a eu on ne le doit à personne. Il n'y avait pas cette grosse machine promotionnelle derrière nous. Et la promotion n'enlève rien à la qualité d'un disque - parfois tu as juste besoin d'un coup de main pour que les gens écoutent quelque chose qui mérite d'être écouté. Mais on avait pas ça. On a du se lancer tous seuls. J'adorais cette époque. Peu importe combien les choses étaient bien après ça - et il y a eu d'excellents moments - ça n'arrive qu'une fois le moment où on part de rien et qu'on arrive tout en haut. C'était fabuleux d'en faire partie. 

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