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Chronique : Eskemo - Manichéisme/1000 Lumières

Manichéisme et 1000 Lumières, c'est Eskemo, dix ans après son 1er double album, V1, qui n'était pas vraiment notre came à l'époque, avec son pop rock plan plan et son imagerie emo trompeuse. Le groupe a continué à sortir des singles en 2015, mais c'est le titre "Face au ciel", publié en février 2020, qui a vraiment attisé notre curiosité. On y retrouve un phrasé un peu rappé/chanté comme KYO à pu le faire sur des titres comme "Contact", l'ensemble se voulait déjà un peu plus rock, faisant penser par moment au groupe de post-hardcore Omni (pré-Madame Kay, pour ceux qui ont connu) et quelle surprise d'entendre des passages screamés ! Par curiosité, on teste également "Même filles", un titre beaucoup plus calme, avec une jolie vidéo à l'esthétique noire et rouge, qui montre un groupe beaucoup plus mature, même dans sa pop. 

Ces deux titres seront répartis sur les deux nouveaux albums qui sortiront en même temps, l'un rock (Manichéisme), l'autre pop (1000 Lumières). On va surtout s'attarder sur le premier, puisque c'est le single "Ensemble" avec Jena Lee qui a fini de nous convaincre : le groupe s'inspire des grosses guitares nu metal d'Evanescence à ses débuts et le duo nous offre une magnifique ballade rock, bien écrite, mélancolique, punchy et avec son petit passage hurlé, on en redemande. 


L'album s'ouvre tranquillement sur une intro aérienne qui rappelle celle de "Si Seul" d'OrelSan,  avant que l'ambiance ne devienne plus sombre et qu'un rock lourd apparaisse, le morceau éponyme qui sert d'intro se terminant sur un beat electro énorme et des putains de hurlements ! Ils y vont et ils ne font pas semblant. En fait, c'est simple, oubliez un peu ce que vous pensez connaître d'Eskemo, la version 2020 est à mi-chemin entre KYO et Vegastar, avec une grosse grosse influence Vegastar ! Et ça ça fait tellement plaisir, tant la France manque de groupes rock et catchy à la fois (et qui chantent en français) depuis la fin du règne de la Team Nowhere, de groupes puissants mais qui n'ont pas peur de faire dans la mélodie, comme les groupes anglophones qu'on a l'habitude d'écouter.

Ainsi c'est Franklin Ferrand de Vegastar qu'on a presque l'impression d'entendre sur "Beautfiful Nightmare" lorsque Romain Brois [le chanteur d'Eskemo] chante "Je me délivre de ses chaînes, la raison m'attire plus que la haine", en fond des guitares lourdes et du synthé dans le refrain, accompagnés de couplets un peu plus rockabilly. On retrouvera également ce mélange de pop metal new-wave sur sur "Le fou ou le roi" et l'excellent "L'accusé", avec un refrain qui ne nous aurait pas surpris sur Alphabet Prison de Pleymo : "Mais qui de nous deux est l'hôte de la raison, c'est un combat qu'on mène seul". 


Romain se montre à fleur de peau sur l'interlude "Je m'en vais" : "J'suis pas simple, j'suis pas humble, j'ai aucune raison pour que tu le comprennes, je suis l'ombre de moi-même, mais je veux que tu saches quand même que je t'aime, même si je m'en vais", qui enchaîne sur le dépressif "Au milieu des fleurs" (avec un champs lexical qui rappelle KYO, "dans ma chair", "civière"), avec un gros refrain "Ne viens pas me sauver, je commence à sombrer de noirceur, au milieu des fleurs". 

Si on pense beaucoup à Vegastar, dont l'ombre semble planer sur le disque, c'est aussi parce que Franklin a personnellement écrit un titre avec la power-ballade "Les anges de la réalité", qui dénonce l'arnaque et les effets pervers des Instagrameuses ("Ex-star de la TV, tu vends ton corps et ton âme"). Intéressant, avec un passage bien heavy, mais l'émotion est tout aussi présente, sinon plus, sur la jolie ballade de clôture au piano, "Jusqu'à toi". Simple et efficace, avec un très beau refrain ("Et même si la route est longue j'irais toujours jusqu'à toi, dans le froid de l'autre monde, j'irais toujours jusqu'à toi"). 

Le morceau collaboratif "Cyber" avec les Français de HEY LIFE (rock alternatif) et la chanteuse Morgane Kerhousse, sera le seul à présenter un peu de chant en anglais, pour un gros titre electro rock, qui n'a vraiment rien à envier aux formations anglophones !


Malgré le thème et les paroles touchantes de "Qu'on se blesse", le refrain est bien trop dance pour le disque, c'est pourquoi nous ne sommes pas surpris qu'il réapparaisse sur 1000 Lumières (où il aurait peut-être du rester et au sein duquel il passe beaucoup mieux, y faisant même office de tube !). Pour moi, ce second disque pop c'est que du bonus par rapport à Manichéisme. On en a pas foncièrement besoin, mais il a le mérite d'exister et d'apporter du rab ; on en retiendra ce qu'on voudra. Beaucoup plus proche du style pop habituel d'Eskemo, ça n'a quand même pourtant rien à voir avec leur son des débuts, puisqu'on y trouve une grosse influence 80's (avec un synthé lui aussi utilisé de différentes façons selon l'album), et un style général plus proche du KYO de 2017 (album Dans la peau).

Ça démarre très bien avec l'intro sensuelle de "1000 Lumières" : "Attrape-moi si tu veux, poussons le vice un petit peu, à tes lèvres le goût des cendres, suspendu je veux descendre", avec un morceau assez entraînant. "Ella", avec son refrain façon "Umbrella" (Rihanna), et son saxophone final, se garde en tête, tout comme pas mal de bons refrains sur cette partie (le new-wave "Défait"), mais l'ensemble reste très léger, gentillet ("Wait a minute"), et se ressemble un peu. Pas déplaisant pour autant, on apprécie "Mode avion", "Ça pique" ou la lancinante "Mêmes filles". Le disque se termine même sur le très bon "Le tour des saisons", mélancolique et plus actuel, avec un chant légèrement rappé, presque du KYO sur le beat de "Follow You" de BMTH.


Le temps et l'expérience auront définitivement fait du bien aux membres d'Eskemo, qui n'hésitent plus à exploiter pleinement les influences rock qu'ils ont toujours eu en eux (avec des screams qui légitiment enfin la partie emo de leur nom), tout en continuant à satisfaire les fans des débuts avec une pop encore plus raffinée, au travers ces 22 nouveaux titres. Qui aurait cru que la relève de Vegastar et le nouvel espoir d'un rock français populaire passerait par Eskemo ? Certainement pas nous. Manichéisme est un véritable don des dieux pour toute la génération Nowhere, et 1000 Lumières vous permettra de prolonger l'expérience avec des titres certes plus légers, mais pas dénués de saveur. Si vous aimez KYO ou Vegastar, foncez. 

Alucard.

Note globale du rédacteur : 3,5/5
Manichéisme : 4/5
1000 Lumières : 3/5

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