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Chronique : Linkin Park - From Zero


Quand on parle de Linkin Park, on ne parle pas d'un simple groupe. On touche à une machine à tubes d'une puissance médiatique folle, de ces formations capables de transcender les frontières du rock, et Dieu sait qu'elles se font rares, même si, à leur échelle, on peut ressentir cette force chez des groupes comme Bring Me The Horizon, blink-182 ou encore My Chemical Romance, dont les fanbases semblent immenses et intemporelles. Rajoutez à ça un chanteur humble, aimé de tous, débordant de talent et désormais hissé au rang d'icone - lui qui répétait à qui voulait l'entendre qu'il avait "toujours voulu être une rock star", c'est fait - laissant des millions de fans en deuil, à scruter ses textes et romantiser son suicide. 

Un arrêt plus que brutal pour le groupe, alors qu'il luttait à défendre un One More Light bien trop pop au goût de ses fans, qui, s'ils peuvent déborder d'amour, peuvent aussi se montrer impitoyables. Sept longues années se sont finalement écoulées avant que LP ne décide à ressusciter pour un 8ème album, From Zero, mais, si vous suiviez les propos de Mike Shinoda, celui-ci était très transparent dès 2020 sur le fait que les membres continuaient à composer chacun dans leur coin (pas forcément pour le groupe d'ailleurs), et d'une certaine façon, un retour lointain était toujours espéré. 

Après de multiples collaborations et sessions jams, c'est finalement Emily Armstrong de Dead Sara que Mike a choisie pour succéder à Chester Bennington. Car même après avoir sorti de la musique en solo et travaillé avec d'autres musiciens, son cÅ“ur et sa motivation étaient restés avec son ancien groupe, et c'est son droit le plus absolu. Certains l'oublient peut-être trop souvent, mais LP, c'est son groupe à la base. Et si on voulait enfoncer le clou, sans manquer de respect à quiconque, on préciserait que, surtout ces dernières années, beaucoup de textes imputés à Chester ont en réalité étaient écrits de la main de Mike. En outre, on peut comprendre qu'ils choisissent une femme pour éviter les comparaisons trop frontales avec Chester (je n'imagine pas ce qu'un mec se serait pris dans la face). Emily n'arrivera pas seule, mais avec le batteur Colin Brittain (songwriter/producteur pour G Flip, Illenium, One OK Rock), lui aussi rencontré de manière très naturelle au cours de sessions jams il y a quelques années.

Quel meilleur moyen de prouver son point qu'en commençant par balancer des tubes ? Quand "The Emptiness Machine" a été dévoilé, nul doute, c'était du pur Linkin Park ! Une stratégie qui rappelle le retour de blink avec le titre "Bored To Death" en 2016 : c'est très classique, ça fait limite penser à une ancienne chanson, mais c'est super efficace et ça rassure les fans après un album qui avait déçu. Donc exactement ce qu'il fallait au groupe à ce moment précis. On apprécie le chant clair de Mike durant l'intro, les mélodies sont géniales et super entêtantes, on accroche direct. Ça sonne déjà comme un futur classique, avec un retour au son rock, entre The Hunting Party et Minutes to Midnight, et on constate qu'Emily a toutes les qualités pour marcher sur les traces de Chester : une jolie voix claire qui sait également gérer les cris écorchés. 

Possible d'enfoncer le clou ? Allons-y : la bande enchaîne avec "Heavy Is The Crown". On sait déjà dès les premières notes de synthé, qui peuvent rappeler "Faint", que ça va être un tube. Les couplets rap sont inspirés, le refrain chanté parfait, et un cri de 11/12 secondes (certes un peu moins que les 17 secondes de Chester) durant le break vient prouver, s'il le fallait, qu'Emily a les épaules larges, et la tête assez dure pour supporter ladite couronne. 

À ce stade, une interrogation restait tout de même sous-jacente : et si le groupe se contentait d'enchaîner les tubes calibrés, de sortir un album pop corn (plutôt court en plus), un simple disque à singles ? Vite balayée par l'arrivée d'un 3ème morceau totalement différent, "Over Each Other". Une power ballade où l'accent est mis sur l'émotion. Le début est très aérien et electro, et le titre part en rock vers la moitié. Du rock à la Minutes To Midnight, toujours, mais pour autant, ça ne fait pas vraiment penser à un morceau de cet album, j'ai plutôt envie de dire que c'est le 1er morceau qui fait penser à un nouveau groupe, tout en gardant la touche LP, dans les mélodies qui font mouche notamment, et dans l'émotion à fleur de peau, à la Chester. Emily, à qui l'on peut reprocher sur les singles précédents de crier plus qu'elle ne chante (plus que ce que ne l'aurait fait Chester en tout cas), est plus mesurée sur ce titre. 

On peut désormais se plonger, rassurés sur les intentions du groupe, dans les autres gros titres rock que le disque va continuer de nous proposer, notamment les belles réussites que sont "Two Faced", certainement le plus old school avec ses riffs et ses scratches nu metal (avec un petit côté "One Step Closer", sans l'égaler toutefois) ou encore son pont hurlé, qui ravira les fans des deux premiers albums, et le brûlot "IGYEIH", qui, là encore, ressort les gros riffs nu metal, qui déborde d'énergie et où les courtes interventions incisives de Mike se marient à merveille avec le chant d'Emily, tantôt mélodique, tantôt énervé.  


D'autres morceaux, cependant, auront un peu plus de mal à nous convaincre, comme "Cut The Bridge", qui semble pourtant avoir tous les ingrédients nécessaires à son succès (même un petit côté "Bleed It Out"), dont des couplets rappés plutôt convaincants, mais qui reste malheureusement miné par un faible refrain. Le pont chanté par Mike est cependant très sympa : "Quelque chose dans ma tête semble brisé/Je suis le gaz d'un brûleur laissé ouvert/Je suis une corde raide retenue par une pince à linge/Je tiens le coup, mais la pression continue de croître". Vraiment pas un titre qu'on a envie de détester donc, et auquel il manque juste un je-ne-sais-quoi (probablement un gros refrain). Même le passage avec les chÅ“urs, juste après le pont, est très beau. Dommage. Il faut aussi absolument parler de "Casualty", le titre le plus bourrin de tout l'album (et probablement de la carrière du groupe), qui pour le coup ressort vraiment le son crade de guitare de The Hunting Party (c'est pas une critique - réécoutez par exemple "Mark The Graves"). Alors que des fans s'enjaillent comme jamais sur la violence du morceau, tellement speed qu'il est parfois carrément punk (c'était déjà le cas de certains morceaux de THP, notamment "War"), on ne peut s'empêcher de le trouver un peu fade ("Zephyr" de Pleymo sur Alphabet Prison me fait le même effet), ne dépassant jamais le statut du simple défouloir qu'il veut être. L'intention est louable, mais le résultat fait finalement d'avantage penser à un sous-"Keys To The Kingdom". On retiendra quand même que Mike s'y essaie à une sorte de chant crié. 

C'est le moment idéal pour aborder "Overflow", le morceau le plus expérimental de la galette. Un titre dark pop atmosphérique, pessimiste dans son texte ("Tournant d’un ciel blanc/Vers un trou noir/Tournant de la lumière du soleil/Vers une ombre"), et qui aurait certainement eu sa place sur A Thusand Suns. Pris à part, il ne recherche pas l'efficacité. Il emmerdera même beaucoup de fans. Mais placé juste après "Casualty", il apporte un repos presque nécessaire après la violence extrême du morceau précédent, et se montre cohérent dans l'écoute globale. Dans le même style, "Stained" se veut plus accessible, un titre pop rock entre ATS et OML, avec un très joli refrain. 

On terminera cette seconde partie d'album, résolument plus moody et aventureuse, avec "Good Things Go", une autre power ballade, et surtout un final parfait. Rien que ce refrain, il vous flanquera des frissons, alors qu'Emily force sur sa voix et monte dans les aigües (la mélodie générale du morceau est très réussie) : 

"Et je 
Dis que je te déteste quand ce n'est pas le cas 
Te repousse quand tu t'approches trop près
C'est dur de rire 
Quand c'est moi la blague
Mais je ne peux pas faire ça toute seule 
Toi seul(e) peux me sauver de mon 
Manque de self-control
Parfois les mauvaises choses prennent la place des bonnes choses."

J'adore ce morceau. 

Pour ce retour extrêmement attendu, Linkin Park joue à la fois la sécurité en proposant des titres dans la veine de ceux qui ont fait son succès (et qui sont clairement demandés par les fans, alors pourquoi s'en priver), en même temps qu'il prend des risques et continue d'explorer de nouveaux territoires, ce qu'il n'a jamais cessé de faire au cours de sa carrière. From Zero, c'est à la fois du pur Linkin Park, qui pioche dans l'ensemble de sa discographie (et ne croyez pas que vous auriez eu des titres qui sonnent comme Hybrid Theory si le groupe n'avait pas beaucoup à prouver avec cet album), mais aussi les prémisses d'une nouvelle formation qui se met en place, qui apprend à se connaître, et qui conservera toujours, on l'espère, cette touche LP qui semble inscrite dans l'ADN de Mike. Une sorte de bilan/reboot, que le groupe laissait présager en donnant à l'album le tout 1er nom de la formation (Xero), from xero suggérant qu'on reprend tout depuis le départ. Certes, hormis les premiers singles sortis, qui sont des tubes masterclass incontestables, beaucoup de morceaux essaient de se hisser à la hauteur d'anciens sans véritablement y parvenir, mais est-ce si grave ? Parfois, bien, c'est suffisant. Et puis, comme le disait Gerard Way de My Chemical Romance à Geoff Rickly de Thursday pour le rassurer : "Le groupe est déjà mort. Ã€ partir de maintenant, c'est que du bonus". Ã€ la différence que LP n'a jamais voulu s'éteindre. 

Note du rédacteur : 3,5/5

Les + :
- Un condensé de la carrière du groupe
- On ne pensait plus réentendre le son des 2 premiers albums
- Le groupe continue d'explorer même s'il assure son quota de tubes

Les – :
- Certains morceaux ressemblent à d'anciens hits sans les égaler
- "Casualty" et "Overflow" peuvent ennuyer pour des raisons différentes
- Un disque court

Alucard

1. From Zero (Intro)
2. The Emptiness Machine
3. Cut the Bridge
4. Heavy Is the Crown
5. Over Each Other
6. Casualty
7. Overflow
8. Two Faced
9. Stained
10. IGYEIH
11. Good Things Go

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