Chronique : CoreLeoni - III
CoreLeoni (hard rock) a été créé en 2018 par Leo Leoni, guitariste et co-fondateur du groupe suisse Gotthard (hard rock aussi). Gotthard a su se construire une fanbase solide avec le temps, particulièrement en Suisse et en Allemagne, grâce à un hard rock énergique et très tourné vers les mélodies, à la limite de la pop parfois (pour les mélodies). En 2010, hélas, leur chanteur disparaît dans un accident de la route : il était sur un bas-côté pour enfiler un vêtement de pluie quand un chauffeur de poids lourd a perdu le contrôle de son véhicule et l'a percuté. Le groupe décide de continuer, ils recrutent un nouveau chanteur, mais le souvenir de leur premier chanteur plane toujours sur eux. Au fil des années, aussi, ils ont pris une direction plus tranquille - hard rock posé. Si bien qu'en 2018, donc, Leo Leoni recrute quelques musiciens avec qui il réenregistre quelques anciens titres de Gotthard pour leur donner un son plus moderne, voire plus rock : ce projet s'appelle "Coreleoni" et son premier album aura un titre tout à fait original pour un premier album, The Greatest Hits Part 1. On y remarque beaucoup le chant de Ronnie Romero (Ritchie Blackmore's Rainbow, Michael Schenker et quelques autres, c'est un peu un mercenaire), même si votre humble rédactrice compte parmi ceux que son chant toujours éraillé et dans les aiguës fatigue souvent. Le tout gardait un certain côté vieillot, mais au moins c'était plus énergique que ce que devenait Gotthard.
En 2021, Ronnie Romero décide de quitter ce groupe : se souvenant d'un albanais qu'il avait vu à l'Eurovision 2018 (chanson "Mall" pour les curieux, version de la demi-finale très chaudement recommandée), Leo Leoni contacte Eugent Bushpepa, qui accepte de les rejoindre. Sauf qu'à la différence de Ronnie, Eugent arrive en presque inconnu : je le suis régulièrement depuis cet Eurovision de 2018, mais nous devons être bien peu nombreux à le connaître. C'est peut-être même son premier projet "hors Albanie" (et hors Eurovision). Sachant que le deuxième album s'appelait déjà II, c'est à la surprise générale, ou presque, que ce nouvel album s'intitule III.
L'album commence par quelques secondes assez bluesy, soit les racines du rock et du hard rock, puis "Let Life Begin Tonight" s'emballe petit à petit et pose les bases de ce qui sera développé pendant tout l'album : du hard rock, de l'énergie dans les instruments et dans la voix et des petites subtilités ici et là sans non plus aller dans l'exagération. On pourrait reprocher à ces chansons un côté générique, mais c'est aussi inhérent au genre qu'ils proposent : dans le fond, on peut trouver dans chaque chanson, isolément, une certaine formule, mais la formule change d'une chanson à l'autre, précisément. Si bien que ça passe plutôt bien, au final. Ils ne réinventent pas la roue, et il est certain qu'ils n'y prétendent pas du tout : ils veulent proposer quelque chose de qualité dans un genre qui leur plaît, et ils y parviennent très bien.
Ceux qui aimaient la sonorité toujours éraillée du chant de Romero ne retrouveront pas ça chez Bushpepa, mais justement la voix de l'Albanais est beaucoup plus "tout terrain" : parfois il est dans le clair, parfois dans l'éraillé, parfois dans le plus sensible, quand on le connaît on sait qu'il a encore d'autres registres, et il joue très bien de tout ça selon ce que nécessite l'instant de la chanson. Réellement l'instant de la chanson. Peut-être peut-on lui reprocher d'abuser de l'écho sur son micro, ça donne parfois un côté artificiel qui dénote, notamment dans certains passages plus calmes. Mais c'est un détail totalement négligeable.
Au milieu de l'album, "Like It Or Not" et "Wake Up Call" ont quelque chose d'un peu trop carré qui fait perdre le fil, peut-être parce qu'elles n'évoluent pas assez, mais en dehors de ces deux chansons l'album est vraiment très bon. A condition d'aimer le hard rock qui fait bouger le cou et donne envie de brailler en chœur, évidemment.
On peut aussi noter que la fin de l'album a quelque chose d'assez amusant : "Sick & Tired" fera forcément penser à AC/DC, pour ce que jouent les instruments comme pour la voix d'Eugent qui rappelle beaucoup Bon Scott et ses jeux avec les aiguës. La suivante, "Would You Love Me" commence avec l'effet "talk box" qui évoque forcément Bon Jovi, puis enchaîne sur un riff qui sent Iron Maiden à plein nez. "Deep In My Soul" repart dans les racines du hard rock avec quelque chose de très gospel et très années 70, "Jumpin' Jack Flash" est évidemment une reprise des Stones, et les bonus de l'édition digipack terminent l'album avec des reprises de chansons de Gotthard (soit les origines de Coreleoni). En résumé, même à travers des chansons originales, il est très probable que les membres de Coreleoni se soient amusés à faire des clins d'œil marqués (dont sans doute plusieurs qui ne sont pas relevés ici), à moins de lire un peu trop entre les lignes musicales, mais au bout d'un certain nombre d'enchaînements ça commence à titiller les oreilles ?
On pourrait dire qu'une bonne humeur communicative se dégage de cet album, pourtant il n'est absolument pas question de : "la vie est belle, les oiseaux chantent". Certaines chansons seront plutôt positives, d'autres plus sombres, certaines plus superficielles, au moins dans les textes, mais il s'agit avant tout d'une envie d'aller de l'avant. Dans les choses positives comme négatives. Cette envie s'entend depuis l'énergie dans la voix d'Eugent jusque dans l'attaque des fûts à la batterie, en passant par le jeu des guitares et de la basse : ils croient dans leur musique et veulent nous embarquer avec eux. C'est réellement ce sentiment qui se dégage cet album, quels que soient les thèmes des chansons.
III a assurément ce petit supplément d'âme, de modernité, de rythme ou d'allez savoir quoi qui fait ces albums que l'on réécoute régulièrement. Evidemment le style dans son principe est très classique, du hard rock tout à fait énergique, mais III n'est absolument pas passéiste pour autant. Alors qu'il faut bien reconnaître que Gotthard ou les deux premiers albums de CoreLeoni ont souvent ce défaut. Ici, on aime le passé, on se repose dessus, mais on va vers l'avant. Pas forcément encore l'avenir, mais au moins vers l'avant. Impossible de déterminer si c'est grâce à l'arrivée de Bushpepa, donc au départ de Romero, ou bien aux confinements qui ont donné une bonne excuse à à peu près tous les musiciens à travers le monde pour s'enfermer et composer aussi longtemps qu'il le fallait, mais le résultat est là . Souhaitons leur de continuer dans cette lancée pour leurs albums à venir.
Polochon.
Note de la rédactrice : 4/5
01. Let Life Begin Tonight
02. Purple Dynamite
03. Guilty Under Pressure
04. Greetings From Russia
05. Sometimes
06. Like It Or Not
07. Wake Up Call
08. Sick & Tired
09. Would You Love Me
10. Deep In My Soul
11. Jumpin’ Jack Flash
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