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Throwback Thursday : les 20 ans de Pleymo

Pleymo à l'Olympia - Paris, 31/03/18. Par Noct.

En France, si un groupe de musique a su marquer les kids de ma génération, c'est bien Pleymo. P.L.E.Y.M.O. Un nom qui résonne dans les oreilles et le cÅ“ur de beaucoup avec force et nostalgie et c'est d'ailleurs sur ces deux aspects que leur retour sur scène se joue aujourd'hui, un retour auquel je me suis empressé de participer grâce à un double-concert parisien anthologique.

Mais Pleymo, c'est qui, c'est quoi ? Rapide résumé, c'est la réunion improbable de six sales gosses de banlieue parisienne dans le milieu des années 90 qui déambulaient sur leurs skates autant sur le son de Led Zeppelin, des Smashing Pumpkins, Primus, rage Against The Machine, et Pearl Jam que de NTM, Deftones, Machine HeadWill Haven, Korn et Limp Bizkit. Des mecs pour qui la street culture californienne allait à tout jamais changer leurs vies... et les nôtres en même temps. Une mission : l'instinct et l'envie de ramener dans le pays de Noir Désir et Téléphone toute une explosion artistique underground qui abat les barrières entre les genres et les gens, où le skate rencontre le graff' et les tatouages, où le groove et le rap rencontrent les guitares, où le spleen urbain s’accommode avec un sentiment grondant de révolte.



Pleymo c'est ce groupe érigé au statut de roi de la scène avec leurs confrères d'Enhancer et qui se plaît à te rappeler ce qu'est un bon roi : celui que tu regrettes même 10 ans après sa disparition. Ils ont su naviguer en une décennie de carrière au gré du vent californien, démocratisant le néo metal puis en l'emmenant vers d'autres contrées plus évoluées à partir de 2003. Pleymo c'est ce groupe que je peux, sans honte aucune, te qualifier de Deftones français, non pas spécialement pour de raisons évidentes (quoi que je peux te trouver des exemples concrets au long de leur discographie) mais plus par une volonté de faire grandir une musique qui leur ressemble à eux, certes gorgée d'influences, mais qui reste unique. C'est simple, à l'époque ou aujourd'hui, aucun artiste ne ressemble à Pleymo, n'a su reproduire le son de Pleymo et putain qu'ils ont été beaucoup à essayer. Des débuts entre rapcore incisif  et rap-metal hurlant pour prendre la tangente, contre vents et marées, sur un troisième album puis un quatrième et dernier résolument plus rock alternatif et post-hardcore, baigné dans la scène emocore américaine, les six banlieusards de Paname ont réussi à cultiver une singularité artistique sincère dans la veine du groupe de Chino Moreno from Sacramento USA (Deftones, si tu m'as perdu)... qui m'a séduit très rapidement.

Pleymo au Main Square Festival - Arras, 06/07/18. Par Noct.

Pleymo est un des premiers groupes avec lequel j'ai commencé le voyage au pays du metal, vers 12~13 ans mais je prendrai définitivement le train en marche de cette explosion de la scène française deux ans après. Car Pleymo (avec Enhancer), il faut le rappeler, est à l'origine d'une vague fédératrice sans précédent auprès des kids avec leur collectif (Team) Nowhere, véritable relève des blousons noirs des vieux de la vieille mais en hoodies, dreadlocks, Vans et baggies. Il se passait quelque chose en France, à cette époque, quelque chose de fort où notre quête d'identité et de sensations fortes se rejoignaient dans les salles de concerts. Ce ne serait pas mentir que de dire que Pleymo m'a forgé pendant ces années, je vivais au rythme de leurs musiques, grandissais en même temps et mon propre chemin y trouvait un écho qui ne se perdait pas dans le vide ; ils étaient autant mes héros que mes grands frères. C'est grâce à Pleymo que j'ai noué mes plus fortes amitiés et avec qui j'ai partagé parmi les expériences les plus dingues, que j'ai saisi le courage de me lancer à mon tour dans l'expression de mes sentiments à travers ma propre musique avec mes potes -à la vie, à la mort- et que mon horizon culturel s'est ouvert.



C'est là et maintenant que je viens régler mes comptes. On les a jalousement taxés de plein de trucs honnêtement bas-de-plafond, surtout après le virage du troisième album qui délaissait l'identité du groupe ambianceur s'activant à cracher de la gimmick, qui te chante n'importe quoi et surtout n'importe comment au profit de quelque chose de plus accessible, certes, mais de surtout plus aérien, mûri et réfléchi. Vécu comme une trahison totale par une partie de leur fidèle public, encore aujourd'hui quand tu parcours les commentaires Youtube de leurs clips ou les publications qui les concernent sur les réseaux sociaux, ces gens préfèrent se souvenir de Pleymo comme étant, soi-disant, un groupe vendu qui a fricoté avec la popsphère de KYO pour mieux écumer les chaînes TV de MCM à Europe2 TV (RIP) jusqu'au plateau dominical chez Drucker. C'est bien connu, si t'es un groupe de rock français qui chante en français, tu es souvent catalogué de wannabe-KYO -enfin quand t'es inculte, oui c'est péjoratif- tandis que Pleymo avait plus en commun, sur sa fin de carrière, avec (DEFTONES, oui monsieur !) quelques noms emo et grunge pour un cocktail 100% skate et white trashGlassjaw, Eighteen Visions, Story of the Year, Pearl Jam, en tête, Incubus en bonus, qu'avec la bande pop de Benoît Poher. Accordé, leur chanson (de trop) On ne changera rien avec ses airs de single radio obligatoire composée bien après coup est sûrement ce qu'ils ont fait de moins personnel et peut-être même de plus insipide, mais là où tu sens le talent c'est qu'ils ont réussi à transformer ce faux-pas de chanson fantoche et commerciale en véritable hit sur scène avec tout le punch mérité et ce qu'il faut de flow et de chant screamé pour rester fidèle à son identité propre.

Et c'est ça, au final, ce que beaucoup ont éludé par mauvaise foi ou désintérêt, malgré certaines apparences, Pleymo sont restés fidèles à leurs racines historiques avec des codes propres à eux et reconnaissables entre milles : leur sang hip-hop disséminé sur tout l'album Rock (les beats de 1977 -cc Mu Empire de Glassjaw au passage-, Anemia et Moddadiction, le flow soft-rap de Polyester Môme, le break aux scratches de Divine Excuse), un son funky et un éclat heavy palpable...  Et Pleymo c'est tout ça, en nuances et en violence, une sorte de rock californien en français. Je boucle la boucle sur mon parallèle avec Deftones -parce que tu commences à me trouver chiant avec-, je n'ai pas peur ni honte de le dire, Rock c'est le White Pony de Pleymo -et même globalement le White Pony du metal français-, pas leur meilleur (ni mon préféré) mais assurément celui de la maturité qui a su prendre des risques et une direction inattendue alors qu'ils pouvaient emprunter la voie de la facilité en ressortant un réchauffé de leurs premiers efforts. Là où on est tentés de voir de la facilité sur Rock avec ses mélodies, j'y vois du risque et de la pose de bollocks. Pourquoi chez les américains on acclame la démarche et on lui trouve une noblesse alors que pour nos français ça équivaut à un aller simple vers l’échafaud ? L'aigreur à la française.
 

Et puis finalement, ils ont fini par partir en 2007, ce qui a correspondu avec de sacrés changements également dans ma propre vie, histoire d'être synchro. Mes gars avaient-ils dit tout ce qu'ils avaient à dire ? Le succès moins important d'Alphabet Prison, quatrième et ultime album, avait-il sonné un certain glas ? Le public français se lasse et sa fidélité n'est pas nécessairement sa force et c'est peut-être ce qu'a durement expérimenté Pleymo. Le temps passe (et le vice t'enlace -non) et tu vois surgir des rumeurs de temps à autres sur la toile, souvent alimentées par quelques fanboys isolés toujours dans le déni de leur départ. Des retours annoncés quasiment tous les ans en sous-marin, les murmures d'un nouvel album composé en secret embrassant une nouvelle voie musicale raccord avec son époque dans la veine d'un djent rapcore selon Smash Hit Combo (je veux bien que les mecs aient un album baptisé Playmore, mais c'est pas suffisant pour démarrer des fantasmes, allons) pour enfin aboutir à l'inespéré retour annoncé pour fêter les 20 ans de la bande.

Pleymo au Main Square Festival - Arras, 06/07/18. Par Noct.

Tu sais ce qu'il y a de bien avec cette réunion anniversaire ? C'est qu'elle est faite sans aucune prétention. Une volonté de darons de refaire la fête tous ensemble comme en 9.9 avec tous les nostalgiques de l'époque revenus dans l'arène pour tout péta, juste pour le partage du kiff qu'on développe entre nous. J'ai eu le bonheur d'assister aux dates parisiennes (dont le poster de la tournée et les billets sont actuellement placardés sur la porte de mes chiottes, ceux qui viennent chez moi savent) et c'est comme si rien ne s'était jamais arrêté ; le pouvoir de la passion. Ils sont désormais quarantenaires et moi trentenaire, le poids des années ne semble avoir eu aucune incidence sur eux, bien au contraire tant les nouvelles interprétations de leurs chansons phares sont plus solides qu'à l'époque, quant à moi j'ai pris un peu de barbe et de gras au bide depuis mes années de puberté mais qu'importe ? Les 23 et 31 mars 2018, je suis monté dans une DoLorean à 88 miles/h pour me retrouver à nouveau en 2002, le temps de deux grands soirs de 20 chansons, quelques surprises et beaucoup de kiff et tout le monde a répondu présent, tout le monde s'est déplacé, tout le monde s'est levé -non pas pour Danette- pour Pleymo, TOUT LE MONDE.



Merci Pleymo. Merci pour tout et si jamais tout devait se finir définitivement après cette écume des salles cru 2018, je tiens à vous dire que je vous aime. Merci d'avoir contribué, à votre façon et à votre échelle, à la quête de moi-même durant des années, d'avoir été des repères et de m'avoir accompagné autant dans mes coups de gueule que de cœur. Peu importe le vent tant que t'es là, on se reverra.

Pleymo au Trianon - Paris, 23/03/18. Par Noct.

NB : Surprise ! J'ai planqué un peu partout dans le texte une bonne partie leurs chansons via des liens Youtube, il te suffit de glisser ta souris un peu partout et t'auras ma selec' spéciale Pleymo. Cool, non ?


Noct



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