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Chronique : blink-182 - NINE


Apprécié durant ses années d'activité, ce n'est qu'après la sortie de l'album éponyme en 2003 et le split qui s'en est suivi que blink-182 est véritablement devenu un groupe culte auprès du public. Pourtant, depuis sa reformation en 2009, la bande n'a pas su convaincre avec Neighborhoods (pourtant nettement réévalué sur le long terme), et malgré un EP intéressant en 2012, le second départ du guitariste/chanteur Tom DeLonge a encore changé la donne, la formation décidant de continuer l'aventure avec leur pote Matt Skiba d'Alkaline Trio, un artiste qui, pour l'anecdote, avait inspiré Tom à écrire de meilleurs textes sur l'album éponyme.

Le premier disque de ce blink 2.0 (ou 3.0 plus exactement), California, sorti en 2016, avait pour la grande majorité réconcilié les fans avec le trio, qui se tournait à nouveau vers des hymnes pop punk entraînants qui avaient fait ses belles heures. Néanmoins, sans parler des fanatiques de Tom qui ne supportent pas qu'on le remplace, un réel reproche que l'on pouvait faire au disque était son côté déjà-vu. Une étape qui peut sembler néanmoins nécessaire pour imposer un nouveau membre sans trop chambouler la fanbase, leur permettant ensuite de lâcher les compos moins instantanées mais plus punk rock de la version deluxe de l'album.

Une fanbase pourtant toujours pas prête à accepter le changement, encore moins quand après l'annonce d'une tournée commune avec le rappeur controversé Lil Wayne, blink nous présente le morceau le plus pop de l'album : "Blame It On My Youth". Un geste maladroit, un très mauvais timing, et quand même des gimmicks pop dans le morceau qui laissent penser que le groupe n'est pas sorti de sa collaboration avec le DJ Steve Aoki. Pourtant, le titre n'est pas si mauvais, et a même un côté nostalgique à la "Rite of Spring" d'Angels & Airwaves, gageons qu'il passerait mieux avec une production plus brute.

S'en est quand même suivi la suite d'une communication maladroite, le groupe présentant "Generational Divide", un titre ultra-punk, qu'on imagine volontiers écrit sur le tard en réaction à l'accueil réservé au single précédent, puisque Mark Hoppus (basse, chant) déclarait que le groupe n'arrêtait pas de rajouter des morceaux à l'album. Mark y chante "Is it better, is it better now? Are we better, are we better now?". Malheureusement, la réponse est oui.

Restait quand même la certitude au fond de nous qu'une formation avec un tel pedigree ne pouvait pas nous décevoir. Et on vous rassure, là encore, la réponse est oui ! On est d'ailleurs rassurés d'entrée avec "The First Time" et son intro qui rappelle celle de "Feeling This" et son refrain typiquement blink. NINE se veut finalement la suite logique du disque deluxe de California, dans le sens où le groupe trouve son équilibre sans se poser de questions ni essayer de sonner comme il le devrait.

Bien sûr il n'oublie pas de composer des tubes, notamment avec les deux singles imparables, "Darkside", un titre avec Matt Skiba en lead, lui laissant enfin la place de briller et de nous offrir un morceau atypique emballé d'une touche 80's qui marche sur les plates-bandes d'AVA, avec un refrain super catchy, tout comme "I Really Wish I Hated You", menée par Mark Hopus au chant. On est d'accord, c'est le genre de morceau qu'on attend plus de Plain White T's que de blink, pour autant ça n'enlève rien à leur efficacité. Et puis surtout ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Il est toujours là votre groupe pop punk, et il vous réserve une seconde moitié d'album exceptionnelle, bien que très peu (en fait pas du tout) mise en avant par la promo jusque là !  "Pin the Grenade" est un pur tube pop punk et "Ransom" aurait largement eu sa place sur TOYPAJ ! L'autre atout du groupe c'est l'influence Alkaline Trio, Matt apportant une touche mélancolique qui se marie bien avec le pop punk plus speed de blink, notamment sur les excellentes "No Heart To Speak For" ("Dying on the bathroom floor, thinking of the life we had before" - oui, sur énormément de chansons, on a l'impression qu'ils sortent tous d'une rupture amoureuse !) et "Hungover You". Ce genre de morceau où Matt est capable d'apporter de gros riffs, pas aussi classes que ceux de Box Car Racer, mais qui font largement le job et apportent une puissance indéniable ! Et quand un Travis Barker en roue libre s'y met aussi, ça donne "Black Rain", qui alternera des couplets emo/gothiques et un refrain instrumentalement sous amphétamines ! Un des meilleurs exemples de cette innovation que recherchait le groupe, et ce côté "self titled" sans barrières. Le morceau le plus atypique restant "Run Away", avec son chant presque rappé dans les couplets et l'utilisation d'une electro inquiétante (malgré un refrain punk plus classique).

On jugera étrange la position sur la tracklist (en piste 2 et 3) de l’enchaînement down-tempo d"Happy Days", un morceau mélancolique à la "Adam's Song", la guitare sonnant encore une fois très Tom, autant dans les accords des couplets que les riffs du refrain, avec une volonté de texte plus grave, un peu comme sur l'album de +44 ou Neighborhoods (la phrase "We faced all of our demons" fait penser à "And all these demons, they keep me up all night" sur "Up All Night") et Travis qui dynamite le morceau sans lui faire perdre de sa tristesse, et "Heaven", qui suit à peu près le même schéma. La carte de l'émotion est néanmoins parfaitement jouée et pertinente en fin de disque avec la power-ballade "On Some Emo Shit" et son refrain touchant/catchy/emo, "I should have realized that it was over, yeah it was over, the last time that I saw her", et le final "Remember To Forget Me", qui débute en acoustique et se montre bien plus réussi que la ballade acoustique du disque précédent (merci pour ces magnifiques lignes de chant), puis qui se terminera sur un rock plus énergique. 

NINE n'est pas un album facile pour les fans de longue date du groupe, et il faut reconnaître que les premières écoutes peuvent s’avérer décevantes, puisque l'on n'entend pas ce qu'on imaginait d'un groupe qui annonçait un retour à l'esprit du S/T et qu'on a été complètement formatés par les premiers singles, le clip mitigé de "Darkside" à destination des millenials et à l'opposé des paroles de la chanson, jusqu'à l'artwork fluo plus que déconcertant. Pourtant, en grattant un tout petit peu sous la surface, bon sang mais c'est bien sûr ! Le côté punk, les mélodies qui tuent, l'énergie, les gros riffs, la mélancolie des songwriters (oui, comme sur le S/T, le temps des blagues est révolu), on s'en veut de l'avoir perçu autrement aux premières écoutes ! Finalement, on constate que NINE surpasse son prédécesseur, le groupe ayant trouvé son équilibre, Skiba sa place, et se permet de nous offrir des compos originales en gardant la touche blink, sans pour autant faire des remakes d'anciens morceaux (même si certains passages sonnent toujours très entendus, on va dire que c'est pour rassurer les plus réfractaires). Tout n'est pas parfait, c'est évident, on grince des dents lorsque la bande flirte un peu trop avec la pop radiophonique (le côté "Plain White T's" ne plaira pas à tout le monde, c'est certain, mais bon, blink a toujours été un groupe relativement pop) et on regrette parfois le côté trop facile avec des textes très directs (le refrain de "Happy Days" qui se répète en boucle) où les métaphores se font rares (sur ce point, le disque de +44 était, de souvenir, plus mature). Néanmoins, avec 15 pistes plus ou moins consistantes à son actif, et que des morceaux complets (pas d'interlude), difficile de ne pas y trouver son compte. Le temps dira ce qu'il devra, mais le blink 2019 a trouvé un rythme de croisière efficace et livre un disque qu'on prendra plaisir à écouter encore et encore (je ne compte plus les écoutes pour le plaisir, après quelques 1ères écoutes forcées), parce que c'est quand même de bonnes chansons, tout simplement.

3,5/5

1. The First Time (2:26)
2. Happy Days (2:59)
3. Heaven (3:17)
4. Darkside (3:00)
5. Blame It On My Youth (3:05)
6. Generational Divide (0:49)
7. Run Away (2:27)
8. Black Rain (2:46)
9. I Really Wish I Hated You (3:11)
10. Pin the Grenade (2:59)
11. No Heart To Speak Of (3:40)
12. Ransom (1:25)
13. On Some Emo S**t (3:09)
14. Hungover You (2:58)
15. Remember To Forget Me (3:29)


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